Le Théâtre National Populaire (TNP) accueille jusqu’au 19 octobre l’épisode 2 de Cornucopia de Joris Mathieu et Nicolas Boudier, drôle de parabole futuriste poétique et philosophique sur le mythe de l’abondance. Resserrée dans l’espace, réflexive, inventive et légère pour parler des choses graves avec le talent protéiforme de la compagnie Haut et court. Par Agnès Benoist
Dans Cornucopia, d’autres mondes possibles épisode 2, tout tourne autour de la question qui taraude notre société aujourd’hui : l’entrée dans l’ère de l’anthropocène et la difficile fin d’un mythe, celui de la corne d’abondance. Car notre planète et ses habitants qui ont pu croire en un futur en progression linéaire et infinie, à un développement effréné et sans limite grâce un progrès éternel, ont été brusquement sommés de revoir leurs idées reçues. En écho, la scène est circulaire, en perpétuelle rotation et les spectateurs disposés autour. Car Cornucopia est un monde clos, signifient ainsi avec talent Joris Mathieu et Nicolas Boudier.
Joris Mathieu qui aime les projets en plusieurs épisodes, situés dans un futur possible pour mieux solliciter nos esprits au présent, signe le 2e opus de Cornucopia après Germination et son aventure en réalité augmentée. Le spectacle est accueilli au TNP de Villeurbanne, le TNG de Vaise étant en travaux, l’équipe joue hors les murs et aux ateliers Presqu’ile.
Dans ce futur proche, la civilisation de Cornucopia a dû adopter la décroissance et la sobriété et a rétabli un fragile équilibre, avec un système de lois et « protocoles » raisonnables validés en assemblée citoyenne et un mode de consommation basé sur les seuls besoins essentiels. Jusqu’à une forme poétique de régulation des naissances, impliquant que toute arrivée soit accompagnée d’un départ de la planète d’un de ses membres. Ceci ne les empêchant pas de rêver à un monde où ils pourront renouer avec l’abondance, les buffets variés grâce notamment à une intelligence suprême qui devrait leur montrer la voie, la pierre d’oxygène. Les humains sont-ils incorrigiblement Cornucopiens ?
Mais nous ne dévoilerons pas la fin de l’histoire, car sur Cornucopia si le sujet est grave, le ton est celui d’une fable légère qui jongle avec finesse entre humour poésie et réflexion. Décors, habits tout est en mode recyclage aussi décalés que réussis. En costumes verts ou prunes, les comédiens de la compagnie Haut et court veillent à conserver un registre léger même si l’inquiétude est sous-jacente. Chanson à la Mylène Farmer, rap du futur, doubles rôles, les trois comédiens habitent la scène avec talent, affublés de costumes futuristes aux allures vintage. La mise en scène de Cornucopia ressemble à son sujet et la parabole a été reçue cinq sur cinq par le public enthousiaste. Quant à Joris Mathieu, il resserre son propos et sa mise en scène sur ce qu’il pense essentiel. Car son départ du TNG approche, -même s’il a été décalé de six mois pour pouvoir lancer dignement sa réouverture.
Cornucopia, de Joris Mathieu et Nicolas Boudier saison hors les murs du TNG au TNP de Villeurbanne, vendredi 20 heures, samedi à 18 H 30 et dimanche 16 heures. En séances scolaires également. Signalons en même temps Le ring de Catharsis dans la grande salle. Tnp-villeurbanne.com
