“Les collectifs citoyens sont sous-estimés”

Solarisation des toits de l’école Jules Ferry à Saint-Priest dans l’Est lyonnais et de l’école du Fil d’Or à Trévoux, dans le Val de Saône

Un Deux Toits Soleil a été retenu par la Ville de Lyon et la Métropole pour solariser 15 toits de bâtiments publics. Ce qui représente un changement d’échelle pour cette coopérative. Une initiative portée par un collectif de citoyens dont Daniel Tain, ingénieur de formation, qui regrette cependant que d’autres d’élus soient plus réticents. Objectif : mieux maitriser la production et la consommation d’électricité mais aussi sécuriser les tarifs. Par Lionel Favrot

Ces grands projets de solarisation de toiture, c’est l’aboutissement de 10 ans de mobilisation ?
Daniel Tain : On a effectivement commencé il y a une dizaine d’années en créant l’association Toits en Transition. On a ensuite créé la coopérative Un Deux Toits Soleil pour porter ces projets citoyens de production d’énergies renouvelables. D’autres collectifs nous ont rejoints, notamment à Dardilly mais aussi dans le Val de Saône et l’Est lyonnais. Du coup, cette société a grossi et on l’a structurée avec Coopawatt, une autre coopérative, et on se retrouve tous aujourd’hui autour d’Un Deux Toits Soleil.

Combien avez-vous solarisé de toits jusqu’à aujourd’hui ?

Près de 500 kwc installés en moins de huit ans. On a commencé en 2017-2018 par installer l’équivalent d’une puissance de 9 kWc (1) sur dix toits, essentiellement des bâtiments publics comme des écoles primaires. On a ensuite changé d’échelle pour une saison 2 qui s’est étalée de 2021 à 2024 avec huit autres installations de 30 à 102 kWc. Ce cycle se termine cette année avec la solarisation de la résidence Lyon-Mermoz du CROUS.

Comment avez-vous été retenus pour cette résidence étudiante?

Le CROUS a décidé de la déconstruire et de la reconstruire. Sa solarisation n’était pas prévue à l’origine mais le bureau d’études qui accompagne Bouygues, retenu pour cette opération, nous a contactés début 2020. On a donc pu informer Bouygues en amont de nos besoins et ses équipes ont prévu les fourreaux et les toits-terrasses adéquats pour nos panneaux et nos onduleurs.

Vos prochains projets? 

On a répondu aux Appels à manifestation d’intérêt de la Métropole de Lyon et de la Ville de Lyon. D’une part, la Métropole nous a sélectionnés pour six de ses douze collèges à solariser. D’autre part, la Ville de Lyon nous a retenus pour neuf des douze bâtiments publics, un peu plus petits, généralement des écoles primaires, des mai- sons d’enfance et une salle des fêtes, qu’elle va également solariser. Ces 15 sites représentent une puissance installée d’environ 1 mégawatt-crête. Soit un investissement d’1,5 million d’euros.

Qui va financer ? 

La coopérative Un Deux Toits Soleil. On compte collecter de 300 000 à 400 000 € auprès des citoyens et emprunter le solde. On va ensuite revendre l’électricité produite.
Ce n’est pas de l’autoconsommation? 
Non. Nos projets se financent par la revente de notre pro- duction d’électricité à un prix connu d’avance. Soit on se satisfait du tarif de rachat par EDF aujourd’hui fixé à 11cts/ kw pendant 20 ans, soit on passe par un nouveau dispositif. On est désormais autorisé à vendre notre production d’électricité aux habitants et aux collectivités locales mais à une condition : rester dans un périmètre limité. En milieu urbain, c’est maximum 2 km autour de l’installation.

Cette vente directe vous paraît plus avantageuse pour les projets citoyens?
Oui car tout le monde y gagne. Aujourd’hui, la Ville de Lyon achète par exemple son électricité à 25cts/kw mais nous, on pourrait lui revendre moins cher, à 20cts/kw.

C’est quoi l’intérêt des projets citoyens?
Il n’y a pas de spéculation sur des projets bancals et les impacts environnementaux sont parfaitement pris en compte. On ne retient que ceux qui tiennent la route. Ces projets citoyens sont donc mieux acceptés par les riverains. De plus, on maîtrise le prix final et le citoyen connaît par avance nos tarifs. Dans un contexte de crise tel qu’on l’a connu ces deux dernières années, cela change tout! Autre avantage: cette production locale sensibilise les citoyens à la maîtrise de leurs consommations.

Les élus sont-ils conscients de ces avantages ?
A Lyon, oui. Mais de manière générale, non. L’apport des collectifs de citoyens est vraiment sous-estimé par les élus. Ils ont peur qu’on soit moins compétents et moins sérieux que des entreprises classiques. C’est oublier que nos projets sont accompagnés par les mêmes professionnels !

Ces installations solaires sont souvent décriées pour le niveau de subvention…

Pourtant, ces aides ont quasiment disparu. Exemple : la Région n’a plus le droit de subventionner les projets d’installations solaires car l’Europe considère que le tarif de rachat par EDF avec un engagement de 20 ans, constitue déjà une subvention. Résultat : cela limite nos projets. On ne peut plus aller en dessous de 36 kWc soit 200 m2 d’ins- tallations de panneaux solaires. On perd donc désormais des toits à solariser.

Que souhaiteriez-vous?
Des tarifs d’achats plus élevés pour les projets citoyens de production d’énergie renouvelable.

Ces projets citoyens se développent-ils? 

Oui. On atteint les 424 au niveau national dont 323 solaires. Mais c’est peu par rapport à l’Allemagne où ces projets sont davantage aidés. En France, le premier projet a été Bégawatts à Béganne, en Bretagne, dans les années 2006-2012, avec un investissement de plusieurs millions d’euros dans des éoliennes. C’est à cette occasion que s’est créé le réseau Energies Partagées. Un deuxième réseau, Les Centrales Villageoises, a ensuite vu le jour dans notre région pour des installations plus petites dans les parcs naturels du Vercors et de Chartreuse. Ces deux réseaux travaillent souvent de concert.

Comment se situe Un Deux Toits Soleil dans ce “palmarès”?
Pour l’instant, on est dans la moyenne. Dans la région, deux structures de l’Isère ont pris de l’avance, Energies Citoyennes à Grenoble et Grési21 dans le Grésivau- dan grâce à un réseau de bénévoles très dynamiques et des collectivités locales qui les ont soutenues plus tôt. Mais avec ces nouveaux projets, on passera dans le haut de la fourchette.

(1)Le kWc (kilowatt-crête) correspond à la puissance d’une l’installation et le kWh (kilowatt-heure) est une mesure de la consommation d’électricité.
(2)Voir hors-série Economiesocialeet solidaire N°4 de Mag2Lyon.

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