L’Opéra polar contemporain sur le réchauffement climatique, Le sang du glacier une coproduction Opéra de Lyon/Théâtre du Point du Jour est désormais en tournée dans des collèges, sur des places… Car il a été conçu dès l’origine pour entrer dans un camion, salle de spectacles qui va à la rencontre des spectateurs de la région.
Penchée sur sa paillasse, Sofia, décoiffée, le teint blanc des nuits blanches, réalise des prélèvements pour percer à jour la teinte rouge sang du glacier en maniant les tubes à essai. Une ambiance d’attention extrême règne dans la salle en kit. Pas seulement à raison du climat à suspens de la pièce mais aussi de la gageure que représente cet opéra de poche qui repose sur l’interprétation de deux chanteurs pour trois rôles et du jeu intense des trois musiciens à la harpe, au violoncelle et à l’accordéon.
Dans cet opéra de poche, des algues rouges sorties d’un glacier, contaminent jusqu’à l’eau potable. Le drame scénographiquement assez confiné finalement se resserre autour d’une famille : la jeune ingénieur hyraulique Sofia, et son frère dont le cadavre du père enseveli depuis longtemps sous le glacier resurgi…. Sofia chanté et joué par l’excellente Charlotte Bozzi est un personnage de contraste à la fois enfantin, en colère et volontaire. Le spectateur réalise une sorte de voyage mental dans son drame grâce à la polyphonie voix, musique et texte et les couleurs de la mise en scène. Elle veut résoudre l’énigme trouver une solution. Rendre réversible cette pollution fatale. Tandis que son frère Matteo joué le baryton Mathieu Dubroca -également exceptionnel- pense plutôt intimité et drame familial.
Vers un autre public
Comment réaliser un opéra contemporain au sujet percutant, -le réchauffement climatique, et ses répercussions sur nos vie humaines- qui rentre dans un camion de six mètres sur sept (scène, 90 gradins compris, lumière peu puissantes, décor minimaliste mais symbolique) et forcément un budget non extensible ? C’est en tout cas la gageure relevée en coproduction par l’Opéra de Lyon et le théâtre du Point du jour. La volonté de Richard Brunel d’aller vers d’autres publics pour l’opéra ayant pu prendre corps avec le camion théâtre de Yan Frish, petit bijou de conception en kit pour théâtre.
Il ne fallait pas pour autant renoncer à la qualité musicale, vocale ni à la mise en scène et pouvoir faire vibrer tout spectateur à partir de 14 ans.
Un opéra décidément singulier quand on sait que seulement 9% des créateurs d’opéra sont des créatrices. Angélique Clairand avait déjà eu plusieurs expériences réussies de mise en scène d’opéra dont Peter Gynt (2022) que lui avait déjà confié Richard Brunel. Avec l’autrice d’origine stéphanoise, Lucie Vérot Solaure, elles ont été intriguées et fascinées par une image : des algues les Sanguina nivaloides, qui, au printemps, comme des traces de sang, teintent de rouge la blancheur des glaciers. Elles ont donc rencontré un glaciologue et d’un biogéochimiste expert de la pollution des eaux pour étayer le livret. La compositrice Claire-Mélanie Sinnhuber est ensuite intervenue, guidée par la voix pour aboutir à cet opéra contemporain haletant. « Nous n’avions droit qu’à trois instruments. J’ai pris un cartouche d’instruments polyphoniques afin qu’entre le grave et l’aigu on puisse reconstituer tout un monde. Le trio violoncelle, harpe accordéon est un alliage peu courant » reconnaît-elle.
Opéra à cinq
Cet opéra petit format sans chef d’orchestre repose totalement sur cinq personnes. Et les deux chanteurs et trois musiciens ont du peaufiner un vrai jeu d’acteur sous la houlette de la metteuse en scène Angélique Clairand, directrice du Théâtre du Point du Jour.
Tout à une portée symbolique sur cette scène de quelques mètres carrés ou le glacier tâché de rouge sang est emprisonné dans une sorte d’aquarium de verre, le glacier est symbolisé par un rideau de tulle.
Les trois musiciens, qui ne peuvent pas se regarder, comme il est de coutume, dans un orchestre sont placés en arrière-plan de la scène à la fois un peu à distance mais révélés par un papier grand format quadrillé transparent. Une des trouvailles scéniques imposée par le petit format du génial camion théâtre de Yann Frisch.
Dans la dramaturgie de cet opéra tout est condensé, resserré, proche du spectateur. Tout à une fonction et la contrainte du format de poche ajoute au suspens. C’est exigeant certes, car finalement on a peu l’habitude d’aller écouter un opéra contemporain et peu l’habitude d’entendre des voix lyriques européennes. Mais c’est captivant. En tournée, le sang du glacier déplié en kit rencontre un bel accueil public dans divers lieux de la région. Cela fonctionne même mieux car le public est au plus près du dispositif scénique.
Le sang du glacier, en itinérance
Du 4 au 6 février 2025 → Montbrison (Loire) Place Bouvier. Du 11 au 13 février 2025 → Beauchastel (Ardèche) Terrain de loisirs, Savinas – 6 rue Olivier de Serres. Du 18 au 20 février 2025 → Val d’Oingt (Rhône) Parking du collège les Pierres Dorées, rue Jacques Cortay. Du 25 au 28 février 2025 → Bourg-lès-Valence (Drôme) Île Parc Girodet, esplanade du Théâtre Le Rhône – 101 rue du Toueur. Du 4 au 6 mars 2025 → Vernaison (Rhône) Place du 11 novembre 1918 et du 8 mai 1945. Du 18 au 21 mars 2025 → (Ain) lieu à venir. Renseignements au 04 78 25 27 59.