La chambre régionale des comptes a rendu public son rapport sur la gestion de la prestigieuse école de commerce lyonnaise entre 2014 et 2021. Au fil de ce document de 218 pages, la juridiction pointe le “coût exorbitant” du passage de l’emlyon d’association à société anonyme. Par Clotilde Brunet
Après la publication du rapport de la chambre régionale des comptes (CRC), l’emlyon classée au cinquième rang national des écoles supérieures de commerce se retrouve plongée dans la tourmente. “C’est un des rapports les plus complexes que l’on ait eu à traiter, prévient d’emblée Bernard Lejeune, président de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes. Il s’agit d’une galaxie qui peut être un peu compliquée à comprendre.”. Ce contrôle a porté sur la réorganisation juridique du groupe en société anonyme. “Nous ne sommes pas critiques sur ce point-là. Même si c’est un choix assez original et unique”, ajoute le président de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes.
Il faut noter que ce changement de statut est intervenu dans un contexte de baisse drastique des moyens des Chambres de Commerce et d’Industrie. Pour rappel, la business school lyonnaise a été fondée en 1872 avec l’appui de la CCI. Dans l’environnement concurrentiel des écoles de commerce, Bernard Belletante, directeur de 2014 à 2017, a estimé qu’il fallait ouvrir le capital à des investisseurs extérieurs… Cela a été permis par la création de la société Early Makers Group (EMG) en 2018. “Il s’agit d’un montage très complexe qui entraîne des coûts et des risques. La direction a voulu courir plusieurs lièvres à la fois et combiner tous les avantages avec le moins d’inconvénients possibles”, estime Bernard Lejeune. Exemple : l’association de l’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes (AESCRA), support juridique de l’école jusqu’à l’évolution de son modèle économique en 2014, a transféré les activités liées aux diplômes à EMG. “Mais elle a conservé l’école doctorale ce qui lui permet notamment de toucher la taxe d’apprentissage”, précise le président.
Le coût de cette réorganisation juridique s’élève à 8,5 millions d’euros (experts, assurances…) “Un coût exorbitant au regard de l’apport en capital obtenu et de son utilisation, des risques juridiques et fiscaux assumés et du risque de perte de contrôle de la gouvernance de l’école par la CCI”, peut-on encore lire dans le communiqué de presse. Une somme qu’il faut mettre en regard avec les 40 millions d’euros apportés par les investisseurs : Qualium et BpiFrance. “Pour l’heure, malgré les apports en liquidités, la société EMG n’a réalisé aucun investissement et si l’opération a été coûteuse, elle n’a pas contribué au développement de l’école”, tranche la CRC.
Justice
La CRC Auvergne-Rhône-Alpes a par ailleurs transmis plusieurs signalements au parquet de Lyon. Parmi eux, les deux conventions de partenariats avec la société IBM “dans des conditions ne respectant pas les règles élémentaires de la commande publique auxquelles l’AESCRA était pourtant soumise”. “Alors que le coût de ce partenariat global s’est chiffré à la somme de 25 millions d’euros d’investissements, la nouvelle direction de l’école a fait le constat de son échec total”, souligne la CRC dans la synthèse de son rapport au vitriol. Les deux conventions de prestation conclues avec la société Trajecthoard, présidée par M. Belletante, font également partie des signalemenst à la justice. Des contrats à 60 000 euros chacun portant sur “l’hybridation, la constitution d’une Business Université, et l’innovation pédagogique” ainsi que sur l’aménagement du futur campus de Gerland. “Aucun document attestant de la réalité de ces prestations n’a été produit à la chambre”, indique le rapport. En cause aussi, les conditions de départ très favorables de Tawhid Chtioui,… Il a touché 577 000 euros d’indemnité après moins d’un an d’exercice en tant que directeur entre avril en décembre 2019.
La chambre régionale conclut que “les dépenses engagées au titre des transformations numérique puis juridique de l’école entre 2014 et 2019, n’ont pas modifié sensiblement son modèle économique. La croissance des recettes repose toujours sur l’augmentation des frais de scolarité et du nombre d’étudiants. Ces transformations qui ont été mal conduites, l’ont fragilisée, y compris sur le plan académique et de son développement”. Elle précise cependant que la nouvelle direction a pris un certain nombre de mesures pour améliorer la gestion de l’école. Les autorités académiques ont formulé des réponses plutôt rassurantes pour les 9 000 étudiants en formation initiale et 6 900 participants et à des programmes de formation continue. En résumé, tant que la CCI reste majoritaire au capital de l’emlyon, l’homologation des diplômes ne sera pas remise en cause.
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