Solaire : “La Métropole veut jouer le rôle d’animateur et de tiers de confiance”

A l’occasion du salon Be Positive, Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président EELV à l’Énergie et au Climat du Grand Lyon, a confirmé ses ambitions exposées dans cet entretien à Mag2Lyon l’été dernier. La Métropole veut doubler multiplier par quatre la production d’énergie solaire. “Avec une production solaire de 250GW d’ici 2030, on pourrait déjà couvrir 17 % de ses besoins et réduire de 43 % nos émissions de gaz à effet de serre”, précisait-il.
Dans cet entretien, Philippe Guelpa-Bonaro également passait en revue la stratégie de la Métropole de Lyon pour accélérer le développement du solaire avec la convention passée avec Coopawatt, les dispositifs d’encouragement à l’autoconsommation mais aussi les blocages fréquents des Architectes des bâtiments de France au nom de la préservation du patrimoine. Avec un contre-exemple : l’autorisation obtenue par le maire de Loos-en-Gohelle de rénover l’église de sa commune en la couvrant de panneaux solaires.


Aviez-vous déjà un inventaire des toits solarisables de la Métropole car il en avait été question au cours des mandats de Gérard Collomb et de David Kimelfeld ?

Philippe Guelpa-Bonaro : Clairement non. Les services de la Métropole n’ont rien trouvé en archives. On a du tout reprendre et relancer ce travail d’identification. Un cadastre solaire avait été réalisé mais cela consiste à évaluer le potentiel d’énergie des toitures de la Métropole de Lyon, privées et publiques. Sans vérifier sur le terrain si l’installation est techniquement possible. On doit s’assurer de la solidité et de l’étanchéité du toit, de la sécurité de l’installation électrique ou encore tenir compte des règles d’urbanisme applicables dans chaque secteur.

Quelle démarche avez-vous mise en place ?

On s’est appuyé sur le schéma directeur des énergies de la Métropole de Lyon voté en 2019. Il y avait un objectif, produire 250GW grâce au photovoltaïque en 2030, mais aucune précision sur la manière de faire concrètement. J’ai donc demandé aux services de la Métropole d’étudier tous les leviers possibles pour produire ces 250GW contre 65GW actuellement. Voire dépasser cet objectif.

Comment cela va se concrétiser ?

On a formalisé une vraie stratégie qui s’est traduite par le vote du Plan Métropole Solaire au dernier conseil. Il se décline en six axes. Tout d’abord encourager l’appropriation par le plus grand nombre de cet enjeu pour accélérer une transformation énergétique locale. Dès fin 2020, on a passé une convention avec Coopawatt, pour faire émerger des collectifs citoyens qui veulent solariser des toitures publiques ou privées. L’idée est de les aider à se monter en association pour qu’ils puissent ensuite investir dans une société coopérative.

Cet appel a été entendu ?

Oui, des initiatives émergent dans les 3e, 5e, 8e et 9e arrondissements de Lyon mais aussi Villeurbanne, Dardilly, dans le Val de Saône… Ça avance et surtout cela permet aussi de contribuer à l’éducation populaire sur l’énergie. On veut aussi massifier la production sur les sites métropolitains. Pour être crédible, la Métropole doit montrer l’exemple. On a donc lancé un premier Appel à manifestation d’Intérêt pour 12 installations : 11 collèges et une chaufferie collective. L’objectif est de produire 2 GWh/an supplémentaire par an, soit l’équivalent de la consommation électrique de 1 000 ménages.

Vous avez lancé d’autres procédures de ce type pour susciter des candidatures ?

Oui. On étudie aussi l’installation de panneaux solaires sur les stations d’épuration. Ce qui permettra déjà de couvrir leurs propres besoins car elles fonctionnent 24h sur 24. Je travaille sur ce sujet avec Aude Grosperrin, vice-présidente de la Métropole en charge de l’Eau. En journée, on peut utiliser l’énergie solaire. L’autoconsommation, individuelle ou collective, est un autre axe de notre stratégie.

Avez-vous identifié d’autres sites ?

Oui, l’ancienne décharge de la Fouillouse à Saint-Priest dont on ne peut rien faire. Même pas laisser la végétation pousser car les racines risqueraient de percer la couche de protection isolant les détritus de la surface. On devrait pouvoir y installer 3 ha de panneaux solaires. On va continuer la recherche de ces sites pollués et de friches mais aussi de toitures de centres commerciaux, d’usine, de grandes entreprises… Exemple : le parking des Panettes à Meyzieu a commencé à être solarisé sous le mandat précédent. Ou les ombrières solaires du parking du Groupama Stadium. Une initiative privée qu’on a conseillée pour préserver autant d’arbres que possible au pied du Grand Stade.

Où peut se développer l’autoconsommation d’énergie solaire ?

Dans les bâtiments collectifs mais aussi au niveau des zones d’activité. La Métropole peut favoriser les contacts entre les différents acteurs d’un territoire et les conseiller dans leur démarche. Éventuellement déclencher une aide financière ponctuelle mais c’est de moins en moins nécessaire.

Il n’y a plus de blocages financiers ?

De moins en moins car le photovoltaïque est amorti de plus en plus vite. Le photovoltaïque est aujourd’hui l’énergie renouvelable la moins chère à produire. Le prix de rachat par EDF a malheureusement beaucoup baissé et cela incite à l’autoconsommation. Mais finalement, c’est plutôt une bonne chose car c’est vraiment le circuit court de l’électricité.

Allez-vous développer l’agrivoltaïsme ?

Oui. Les panneaux photovoltaïques peuvent offrir de l’ombre à des plantations maraîchères et les protéger d’une trop grande sécheresse. Utile en ces temps de canicule. Ou encore servir à protéger les petits fruits fragiles des épisodes de grêle qui se multiplient. On a toujours aujourd’hui des panneaux solaires semi-transparents qui laissent passer la lumière tout en produisant de l’électricité.

Les panneaux photovoltaïques résistent vraiment à la grêle ?

Oui, jusqu’à des grêlons de la taille d’une balle de golf, ce qui couvre déjà beaucoup d’épisodes climatiques. Avec Jérémy Camus, vice-président à l’Agriculture, on va créer des espaces tests pour associer développement des circuits courts et production d’énergie renouvelable. C’est une politique portée de manière très transversale à la Métropole.
On parle beaucoup moins souvent du solaire thermique qui permet de chauffer l’eau…

Oui, c’est la petite soeur de l’énergie solaire qu’on ne veut pas surtout pas oublier. Chauffer l’eau avec les rayons du soleil, c’est encore la manière plus simple de produire de la chaleur ! Il faut savoir que la prime éco-chaleur de la Métropole couvre déjà 70 % du coût d’une installation de solaire thermique. Aujourd’hui, elle finance les collectivités, les entreprises et les grandes copropriétés. On veut désormais l’étendre aux particuliers qui voudraient développer du solaire thermique, par exemple sur le toit de leur maison. Ce système peut venir en appoint des installations existantes, pompe à chaleur ou chauffe-eau classique. Ce qui permet de diminuer les factures d’électricité et de chauffage.

Le solaire a pris mauvaise réputation à cause de promesses de rendement non tenues. Comment comptez-vous agir sur ce point ?

Effectivement, des charlatans ont dégradé l’image du solaire. On a vu aussi des entreprises multiplier les installations avant de déposer le bilan. Il n’y a donc plus personne pour la maintenance. On est encore régulièrement sollicités par des mairies qui sont démarchées avec des retours sur investissement relevant plutôt de la magie ! La Métropole veut donc jouer le rôle d’animateur de la filière et de tiers de confiance. On a sur le territoire de nombreux chercheurs, centres de conseil ou développeurs solaire tout à fait sérieux. On veut que ceux qui accueillent du solaire sur le toit, soient sereins avec une forme d’assurance- vie jusqu’à 20 ou 30 ans. 

Où se situent les principales réticences ? Les pompiers qui craignent les incendies de toiture ?

Le matériel s’est beaucoup fiabilisé. Cela fait au moins cinq ans que j’en entends plus parler. De plus, c’étaient surtout les installations électriques de base, voire les onduleurs, plutôt que les panneaux eux-mêmes qui ont posé problème. Aujourd’hui, les pompiers sont plutôt en demande de solariser les casernes pour faire face à la hausse actuelle du prix de l’énergie. Zémorda Khelifi, la présidente du SDMIS, le service départemental et métropolitain d’incendie et de secours du Rhône, pousse beaucoup dans ce sens.

Les Architectes des bâtiments de France ont-ils évolué ? Les professionnels ou les collectifs de citoyens les décrivent comme souvent bloquants…

Malheureusement non. Les ABF ne sont vraiment pas aidants sur la transition écologique en général. Que ce soit l’isolation des bâtiments, le photovoltaïque ou encore les bornes de recharge pour les voitures. Même pour la diversification des essences d’arbres plantées pour mieux résister au dérèglement climatique… Il faut le dire clairement : le comportement des Architectes des bâtiments de France est une entrave à la transition écologique.

Comment expliquez-vous cette position des Architectes des bâtiments de France ? 

Je crois qu’il y a chez eux une vraie méconnaissance de la transition écologique nécessaire pour la survie de la planète et des espèces vivantes. On agit pour le futur mais il faut aussi rappeler que l’isolation a des effets immédiats pour le confort des habitants et pour leur pouvoir d’achat grâce aux économies d’énergie.

Avez-vous une méthode pour dépasser ce blocage ?

Au cours de ce mandat, on se doit de créer des moments de conversation avec eux mais aussi tous les acteurs du bâtiment pour partager ces constats et construire ensemble cette solution. C’est l’objectif du club solaire.

Que dites-vous à ceux qui critiquent l’impact paysager des énergies renouvelables ?

Le paysage de la transition énergétique, ce sont les panneaux photovoltaïques, les éoliennes, les chaufferies biomasse… Il faut accepter cet impact. On a grandi depuis des décennies avec des énergies fossiles venues du sous-sol et pratiquement invisibles. On doit sortir de ce schéma pour produire de l’énergie avec les ressources naturelles qui nous entourent : le soleil, le vent, l’eau…

Avez-vous des exemples où cela se passe mieux avec les défenseurs du patrimoine ?

En Allemagne, on voit des églises se couvrir de panneaux photovoltaïques. On a aussi un exemple dans le nord de la France à Loos-en-Gohelle, avec une très belle église en briques rouges. Je ne vois pas la différence entre des panneaux et une toiture traditionnelle en ardoise. On peut donc réussir des installations très esthétiques, que ce soit pour l’isolation ou le solaire. Il faut partager ces initiatives et faire preuve de créativité mais aussi de bonne volonté… L’humanité est sur une trajectoire catastrophique. Si, à terme, les écosystèmes ne sont plus capables de vivre, avoir un beau patrimoine ne servira plus à grand-chose à l’avenir !

Aujourd’hui, ce sont plus des blocages davantage intellectuels que techniques ?

Oui, pour réussir la transition écologique, il faut aussi assurer une transition culturelle. On doit imaginer que le XXIe siècle sera différent du XXe siècle et sans doute mieux. Il faut laisser du temps à tout le monde. Le problème, c’est qu’il y a une urgence climatique et qu’on manque justement de temps… Mais dans la Métropole, on a déjà de quoi faire avec tous les secteurs non soumis aux ABF.

Pensez-vous réussir à faire avancer ce dossier à votre niveau ou n’avez-vous pas besoin d’un appui de l’État par exemple ?

Oui, cela pourrait grandement nous aider ! L’Europe prépare un plan d’obligation de solariser tous les bâtiments publics ou tertiaires neufs d’ici 2027, et tous les bâtiments résidentiels d’ici 2029. Ce n’est pas encore voté mais ça va dans le bon sens. Avec Béatrice Vessilier, la vice-présidente à l’urbanisme, on va modifier le PLUH d’ici 2024 pour sinon imposer, au moins rendre extrêmement difficile la création de toitures neuves plates sans panneaux photovoltaïques. Je pense que le renouvellement des générations en responsabilité, va permettre d’aller dans le bon sens.

La Métropole peut-elle devenir un territoire à énergie positive comme certains territoires ruraux de la région ?

Non, un objectif d’autonomie énergétique à l’échelle de la Métropole, ne serait pas réaliste. Il n’aurait pas non plus beaucoup de sens car un territoire urbain dense a par nature beaucoup plus d’installations consommatrices d’énergie qu’un territoire rural. En revanche, cet objectif est atteignable en interaction avec les territoires environnants pour partager cette démarche de résilience. C’est pour cela qu’on développe une politique de coopérations avec des collectivités territoriales du Rhône de l’Ain et de l’Isère, que ce soit pour l’agriculture ou l’énergie.

Sur le territoire de la Métropole, quelle est la différence entre consommation et production d’énergie ?

Aujourd’hui, la Métropole consomme environ dix fois plus d’énergie qu’elle n’en produit. Avec une production solaire de 250GW d’ici 2030, on pourrait déjà couvrir 17 % de ses besoins et réduire de 43 % nos émissions de gaz à effet de serre.

Dans un entretien à Mag2Lyon, Christophe Guilloteau, président LR du Département du Rhône, laissait entendre qu’il se débrouille très bien sans les écologistes de la Métropole…

Christophe Guilloteau, on le rencontre à la SERL et dans d’autres instances. On aura l’occasion de travailler ensemble s’il en a envie. En tout cas, cela fonctionne déjà très bien avec les villes de Saint-Etienne, Roanne et Vienne. De plus, cette coopération ne passe pas seulement par des collectivités locales mais aussi avec les professionnels d’autres territoires par les filières. Je ne suis pas trop inquiet sur la possibilité de travailler tous ensemble sur des points précis et concrets.

Entretien publié par Mag2Lyon été 2022, N°147

Photo : Pascal Richard, président d’AuRA Digital Solaire, Elise Cabrol, directrice territoriale d’Enedis, et Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la Métropole de Lyon

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