Lui-même entendu par la police dans l’affaire des collaborateurs de la Ville de Lyon suite à un rapport de la Chambre régionale des Comptes, le successeur de Gérard Collomb a accepté de répondre aux questions de Mag2Lyon. L’occasion pour lui de dénoncer les amalgames avec l’affaire Le Pen. Par Lionel Favrot
Vous avez été entendu comme Grégory Doucet par les enquêteurs de la police ?
Georges Képénékian : Oui, cette affaire a débuté par un rapport de la Chambre régionale des comptes pour les années 2016 à 2021. La police a réalisé une perquisition l’an dernier à la mairie de Lyon, ce qui lui a permis de récupérer un certain nombre de documents. Pour ma part, j’ai été convoqué pour les 18 mois où j’ai été maire de Lyon en 2017 et 2018, et Grégory Doucet comme maire depuis juillet 2020.
Ce qui vous est reproché, c’est d’avoir utilisé des chargés de mission, censés assurer des fonctions techniques, à des fins politiques. Quelle est votre position ?
Le nombre de membres de cabinet, donc de postes considérés comme “politiques”, varie d’une ville à l’autre en fonction du nombre d’habitants. A Lyon, c’est limité à 12 postes. Je pense que cette règle a été respectée jusqu’en 2020. Ensuite, la nouvelle majorité a recruté beaucoup plus de chargés de missions, ce qui a amené l’opposition municipale a faire un signalement à la Chambre régionale des comptes.
Est-ce qu’il y a une continuité avec vos pratiques ou Grégory Doucet a-t-il agit différemment ?
C’est ce que la justice essaye de comprendre : est-ce qu’il y a eu un effet de continuité ou une accélération du processus ? Je pense que c’est assez clair. Il y a un avant 2020 et il y a un après 2020. La nouvelle majorité a amplifié le processus. Il y a une suspicion sur le fait que depuis 2020, des chargés de mission exerçaient des fonctions politiques auprès d’élus plutôt que de simplement suivre des dossiers. C’est pour ça que je n’ai été entendu que trois heures et Grégory Doucet pendant neuf heures. D’ailleurs, la mairie a mis en place un correctif : plus d’une vingtaine de chargés de mission ont changé de statut parce qu’ils étaient à cheval sur des missions probablement plus politiques.
Cette garde à vue n’était donc pas une surprise ?
C’est la règle. La justice a entendu tous les chargés de mission en poste de 2016 à 2020. C’est maintenant aux élus en fonction pendant cette période de s’expliquer. On m’a dit que j’étais convoqué en dernier, puisqu’au sommet de la pyramide, c’est moi qu’on voulait interroger. Si Gérard était encore parmi nous, il aurait également été convoqué pour les périodes où il a été maire pendant les années 2016-2017 et 2018-2020.
Je pense que tous les chargés de mission depuis l’élection municipale de 2020, ont également été entendus par la police avant que Grégory Doucet ne soit convoqué.
Personnellement, je suis allé à la convocation sans avocat et comme Grégory Doucet, j’en suis ressorti sans être mis en examen. La juge d’instruction a maintenant tous les éléments pour statuer et savoir si elle donne une nouvelle étape à son enquête en convoquant cette fois certaines personnes dans son cabinet pour d’éventuelles mises en examen.
Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement, demande à Grégory Doucet de se mettre en retrait de ses fonctions de maire. Est-ce également votre position ?
Non, franchement non ! Il faut être sérieux. Pourquoi Grégory Doucet devrait-il se retirer alors qu’il n’est pas mis en examen ? On est là dans de la “popol”, de la politique politicienne ! Les batailles électorales doivent se situer de préférence sur les idées.
Vous-même, vous ne vous retirez pas de la campagne électorale pour les élections municipales de 2026 ?
Non.
Certains journalistes comparent cette affaire avec le détournement de fonds publics dans laquelle Marine Le Pen a été condamnée. Condamnation dont elle a fait appel.
Par éthique personnelle, je ne clamerai pas cela ! C’est très différent. Dans l’affaire Le Pen, on lui reproche d’avoir fait travailler des collaborateurs payés par l’Europe pour son parti politique. Ce n’est pas non plus la même chose que ces affaires où des assistants parlementaires d’un député n’assuraient pas les missions pour lesquelles ils étaient rémunérées.
Là, il n’y a aucun doute : ces chargés de mission travaillaient bien à la mairie et pour la Ville de Lyon. Ce qu’il faudra définir clairement, c’est où se situe la frontière entre travailler au côté d’un adjoint sur des dossiers techniques et faire parallèlement un travail politique. C’est compliqué à démontrer. La justice n’a pas idée de ce qu’est la vie d’une collectivité.
Cette affaire va bouleverser la préparation des élections municipales ?
Je ne pense pas. Je ne sens aucune volonté chez la police et la justice d’influencer cette échéance électorale. Pour que tout ce travail d’enquête se termine, il faudra attendre l’été. Et après, on sera dans la période pré-électorale de réserve. Je fais l’hypothèse que s’il y a une nouvelle étape, cela viendra après.
Photo : Eric Soudan @Alpaca