La commission européenne a retenu la candidature de Lyon pour être une des 100 villes climatiquement neutres d’ici 2030. Un dossier porté par le maire écologiste Grégory Doucet et son 2e adjoint Sylvain Godinot en charge de la transition écologique. La ville qui s’était portée candidate en janvier dernier, va devoir rendre d’ici la fin de l’année un contrat avec des engagements précis. Ce qui devrait lui permettre de bénéficier de fonds spécifiques pour l’aider à atteindre cet objectif. Sept autres villes françaises ont été sélectionnées sur les 100 retenues à l’échelle de l’Europe : Grenoble, mais aussi Angers, Bordeaux, Dijon, Dunkerque, Nantes et Paris.
Mag2Lyon avait interviewé en octobre dernier Sylvain Godinot qui dévoilait ses priorités en terme de transition énergétique, notamment du patrimoine et du parc automobile de la Ville de Lyon elle-même.
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“Un investissement massif vers le solaire »
Que font les écologistes depuis leur arrivée au pouvoir à Lyon et au Grand Lyon ? Mag2Lyon continue son tour d’horizon des nouveaux élus en responsabilité sur des thématiques précises. Après la sécurité, la culture, l’économie, l’eau ou encore la gestion des déchets, entretien ce mois-ci avec Sylvain Godinot, 2e adjoint à la mairie de Lyon en charge d’une mission clé pour cet exécutif : la transition écologique. Au programme : un investissement massif dans le solaire mais aussi l’achat de gaz d’origine renouvelable, une végétalisation en concertation avec le Grand Lyon, des efforts en matière de biodiversité… Propos recueillis par Lionel Favrot
Comment justifier ce poste d’adjoint à la transition écologique ? Ce n’est pas la mission de toute votre équipe municipale ?
Sylvain Godinot : Tous les adjoints de la Ville de Lyon ont effectivement un rôle à jouer. Si je suis 2e adjoint, c’est que Grégory Doucet a voulu afficher la transition écologique comme une priorité avec une délégation aussi transversale que celle des finances confiée à Audrey Henocque, 1re adjointe. Ma mission est de m’assurer qu’on avance tous ensemble. J’anime ainsi un conseil de la transition écologique qui réunit une fois par mois le maire de Lyon, ses adjoints et les maires d’arrondissement pour tenir un tableau de bord de la transition écologique avec des indicateurs et des objectifs précis.
Avez-vous établi un diagnostic de départ ?
À notre arrivée à la mairie de Lyon, on s’est aperçu qu’on avait certains éléments pour établir ce diagnostic mais qu’ils étaient dispersés dans différents rapports consacrés au développement durable. La candidature au titre de capitale verte européenne en 2019, a également nécessité de constituer tout un dossier apportant des informations complémentaires. Même si Lyon ne l’a pas obtenue à cause de la mauvaise qualité de l’air sur son territoire.
Avez-vous déjà pris des mesures pour y voir plus clair ?
La mission de la transition écologique de la Ville a été rattachée au directeur général immobilier avec un effectif qui sera porté à cinq personnes début 2022. Elle aura pour rôle d’accompagner les services dans un objectif de décloisonnement. Cela peut concerner des domaines très différents comme l’éducatif, les sports, l’évènementiel… On va mettre en place un tableau de suivi avec des indicateurs et des objectifs précis. Certains dossiers sont déjà très bien engagés, en particulier le schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) qui relève de la délégation d’Audrey Henocque.
Quels sont vos axes de travail ?
Le changement climatique, la qualité de l’air, la santé environnementale, ce qui concerne notamment la qualité de l’alimentation donnée aux enfants dans les cantines scolaires mais aussi la biodiversité. La priorité absolue, c’est le changement climatique. C’est pour cela qu’on a symboliquement déclaré l’état d’urgence climatique lors du conseil municipal de mars 2021. Dans ma délégation par exemple, j’ai le patrimoine de la Ville. Je supervise donc toute sa facture énergétique que nous voulons réduire en même temps que les émissions de gaz à effet de serre. On va actualiser le bilan réalisé en 2019 (voir encadré) et effectuer des points d’étape jusqu’à la fin du mandat.
La Chambre régionale des comptes, qui a en charge de surveiller la gestion des collectivités locales, a souvent reproché à la Ville de Lyon de ne pas avoir un état des lieux précis de son patrimoine… C’est véridique ?
Oui. C’est même scandaleux. La Ville de Lyon n’avait pas de document global avec un état des lieux permettant une vision d’ensemble de son parc immobilier. Faute d’audit exhaustif. En tant qu’adjoint au patrimoine, j’ai mis un an pour comprendre ce que je pilotais et je continue à découvrir des surprises chaque semaine ! Seules les chaudières étaient suivies de près via leurs entretiens et leurs consommations. Quand on décide par exemple de rénover une crèche, on aborde ce dossier sans connaître son état initial. Il faut dire qu’auparavant, cet immobilier était géré entre le maire et son directeur général adjoint des services. Les élus n’avaient qu’un faible rôle…
Comment comptez-vous améliorer ce suivi ?
Avec une double révolution. Chaque adjoint dont la délégation intègre un patrimoine important, donc l’éducation, la culture, la jeunesse et les sports, seront désormais impliqués. Les maires d’arrondissement seront a minima informés et, le plus souvent possible, consultés. Ce qui complexifie le processus de décision. Un de mes grands défis, c’est de réaliser la transparence de la programmation de travaux de la Ville c’est-à-dire que chaque conseil d’école, chaque crèche et chaque association soient avertis des chantiers.
Quand l’écologiste Étienne Tête a été adjoint de Collomb en 2008, il avait dénoncé ce manque de suivi des travaux en pointant jusqu’à l’état déplorable des toilettes des écoles publiques. C’est toujours d’actualité ?
Oui. Ce dossier nous pète régulièrement à la figure. C’est un des sujets où il y a le plus de mécontentement des usagers.
Combien la Ville de Lyon dépense-t-elle chaque année pour le fonctionnement de ses bâtiments ?
20 millions d’euros si on intègre l’eau, l’électricité et le chauffage. Les deux premiers postes de dépenses, c’est l’électricité et le gaz. On n’a pratiquement plus de fioul car beaucoup de bâtiments sont raccordés au réseau de chaleur urbain.
Qu’est-ce qui va vous permettre de réduire la facture énergétique et l’impact environnemental des bâtiments appartenants à la Ville de Lyon ?
Le développement du solaire, du réseau de chaleur urbain et des pompes à chaleur. Pour les constructions neuves, la démarche passe par le respect de la nouvelle réglementation environnementale avec de plus en plus de matériaux biosourcés : bois, paille, chanvre… On va pousser les architectes à nous livrer des bâtiments les plus performants possibles. Mais le principal gisement d’économie d’énergie, c’est la rénovation. J’ai obtenu des enveloppes financières supplémentaires pour l’isolation et les énergies renouvelables dans la programmation pluriannuelle d’investissement.
En matière solaire, la Ville de Lyon semble avoir pris du retard. Gilles Buna, adjoint écologiste à l’urbanisme de Gérard Collomb, avait pourtant réalisé un inventaire des toits municipaux “solarisables”…
Il y a eu un petit retard à l’allumage mais j’ai obtenu 5 millions d’euros pour la solarisation des toitures de la Ville. Un état des lieux avait effectivement été réalisé par Cythelia, un bureau d’études savoyard et il va être mis à jour par Tecsol, qui va passer tout le parc de la Ville et du CCAS au crible. Ce bureau d’études va sélectionner les toits répondant aux critères clés c’est-à-dire la solidité de la charpente et une orientation plein sud, sans masque, en tenant compte du droit de regard des Bâtiments de France dans certains périmètres. On va aussi s’assurer qu’il n’est pas prévu de détruire ces bâtiments pendant les 25 ans d’amortissement de cet investissement.
Quand allez-vous rendre public ce rapport ?
En décembre. On le communiquera également à la Communauté urbaine car notre projet c’est vraiment un investissement massif sur le solaire. Pour aller plus vite, on pourrait intervenir non seulement en direct mais aussi par des montages financiers public-privé. On va principalement investir dans les panneaux photovoltaïques producteurs d’électricité mais on pourrait aussi étudier des panneaux thermiques dans certains bâtiments. Exemple : pour produire de l’eau chaude dans les résidences de personnes âgées.
Quelle surface allez-vous solariser d’ici la fin du mandat ?
Le potentiel est très important : environ 3 MW pour 3 ha de toitures mais la surface exacte n’est pas encore déterminée. Notre premier objectif, c’est de solariser 20 toitures dont 10 pilotées par la Ville et 10 sous forme citoyenne comme cela a été fait avec l’association Toits en transition et la coopérative Un deux toits soleil retenue pour installer 50 m2 de panneaux photovoltaïques à l’école les Gémeaux, dans le 5e arrondissement. D’ailleurs, cette école fait partie, avec Diderot dans le 5e et Dolet-Boileau dans le 3e, des trois établissements retenus pour une première tranche de rénovation confiée à la SPL OSER, une société publique locale*.
La Ville de Lyon se fournit-elle en énergie renouvelable ?
Oui, à 100 % renouvelable mais cela fonctionne sous forme de certificats d’origine. C’est-à-dire que la Ville de Lyon ne consomme pas directement des énergies renouvelables mais que son fournisseur s’engage à injecter sur le réseau une quantité d’électricité renouvelable équivalente à sa consommation.
Envisagez-vous d’aller plus loin dans cette démarche ?
Oui, dans le cadre du nouvel appel d’offres en 2022, on va introduire une exigence supplémentaire : les circuits courts électriques, c’est-à-dire qu’on veut se rapprocher au plus près du producteur. Soit en se fournissant directement, soit en ayant un seul intermédiaire. Pour les sélectionner, on va s’appuyer sur Vertvolt, le nouveau label de l’ADEME qui distingue les fournisseurs d’énergie renouvelable les plus engagés. On va suivre la même gaz renouvelable, tout d’abord avec les certificats d’origine puis en allant également vers du circuit court. Là aussi, on va faire des annonces significatives en décembre.
Vous voulez développer les pompes à chaleur qui plongent dans la nappe phréatique mais vous ne craignez pas de la réchauffer ?
Ce problème de réchauffement de la nappe est avéré. Des capteurs sur la nappe posée au niveau de la Part-Dieu et de la Presqu’île démontrent que la climatisation de grands immeubles de bureaux tertiaires rejette de la chaleur qui la fait monter en température de 5°. Certains experts s’inquiètent d’un risque bactériologique. En revanche, notre projet est d’utiliser la nappe pour réchauffer les bâtiments en hiver, ce qui aurait plutôt comme effet de la refroidir. En tout cas, c’est préférable aux pompes à chaleur air-air qui sont bruyantes et rejettent, en été, un panache d’air chaud autour des habitations.
Vous ne privilégiez pas une énergie renouvelable ?
Non, car aucune solution n’est parfaite. Le solaire peut soulever des questions esthétiques, le bois pose des problèmes de particules, l’éolien s’avère impossible en ville, l’hydraulique paraît déjà bien exploitée… Je pense donc que dans un panel de solutions, il y a une place pour la pompe à chaleur sur nappe.
En termes d’éclairage public, la Ville a déjà déployé des leds ?
Partiellement. À l’arrivée de Gilles Buna, en 2001, un plan de renouvellement des lampes à fluorescence classiques par des modèles de même type mais plus performants a été déployé, ce qui a permis de stabiliser la consommation malgré l’augmentation des points lumineux. Lyon s’est construite et densifiée. Les nouveaux parcs et jardins ont également demandé de nouveaux éclairages. On a encore de fortes marges de progression avec la révolution technologique des leds. Dans le même esprit d’optimisation, on veut rationaliser l’usage des bâtiments municipaux. Exemple : Est-ce qu’on ne peut pas éviter de construire de nouveaux bâtiments sportifs et associatifs si on utilise davantage les salles polyvalentes des écoles ?
Plutôt que de produire l’énergie, ne préférez-vous pas une démarche d’économie comme celle de l’association Négawatt ?
La sobriété, avec la structuration de la chasse au gaspi, reste bien sûr un préalable. Exemple : on coupe deux jours par semaine, les dimanches et lundis soir, les 310 illuminations lyonnaises. J’ai aussi obtenu de préserver des points de pénombre dans les parcs et jardins, pour que la faune puisse bénéficier d’une trame noire. C’est aussi un enjeu de biodiversité de même qu’on parle de trame verte pour la continuité écologique entre les espaces végétalisés ou de trame bleue pour les cours d’eau.
Allez-vous réduire l’éclairage public ?
Oui, en déployant des systèmes de détection de présence avec des petits radars qui déclenchent l’éclairage à l’arrivée des voitures. Ce système avait été testé dans le 3e et le 5e arrondissements. On va le développer également dans le 8e avec un total de 1 650 lampes qui vont permettre d’économiser l’équivalent de la consommation d’électricité de 120 ménages. Un volume significatif.
Concernant la mobilité, allez-vous donner l’exemple ?
On va anticiper les nouvelles contraintes de la ZFE* en concentrant nos efforts sur notre flotte d’utilitaires et de camions qui sont quasiment 100 % diesel. Les utilitaires peuvent basculer vers l’électrique et pour les camions, on pense aussi au GNV, mais cela pose des problèmes de recharge car il y a peu de stations. On a aussi par plan de mobilité qui va permettre de supprimer un certain nombre de véhicules, pour passer de 751 à environ 700 voire 650. Un chiffre symbolique : on a désormais un parc vélo aussi important que le parc auto.
Où allez-vous trouver ces utilitaires électriques alors que les artisans s’inquiètent justement de la ZFE car il y a encore peu d’offres sur le marché…
J’ai demandé à notre garage d’étudier la solution du retrofit, c’est-à-dire de passer à l’électrique des voitures thermiques. Cela permet de prolonger la vie de véhicules qui ne sont pas encore amortis tout en économisant le coût et l’impact carbone de la fabrication de nouveaux véhicules.
Mais cela exige des compétences, une homologation…
On a une équipe très technique de 28 personnes capable d’entretenir toutes sortes d’engins, de la tondeuse au camion nacelle. Je ne sais pas encore s’ils vont tester eux-mêmes cette solution ou solliciter des compétences extérieures. On est dans une phase exploratoire.
Et pour les petites voitures, vous allez passer au tout électrique ?
Non, car notre parc est essentiellement composé de petites voitures essences d’ores et déjà compatibles avec la future ZFE.
Pourtant, sur ce segment, l’offre est très développée et ce serait facile de remplacer les voitures thermiques par de l’électrique…
On a déjà des véhicules électriques mais systématiser ce remplacement ne serait pas forcément écologique car elles peuvent encore rouler. De plus, l’impact sur nos finances serait significatif car les petites voitures électriques coûtent de 1,5 à 2 fois plus cher à l’achat que leur équivalent thermique. Ne plus avoir de diesel dans notre parc nécessite déjà de porter l’investissement sur le parc véhicule de 10 à 15 millions d’euros.
La qualité de l’air, ce n’est que le trafic automobile ?
Non mais réduire le trafic automobile est un très gros enjeu avec la ZFE pilotée par la Métropole qui a en charge la qualité de l’air extérieur*. La Ville de Lyon a pour sa part la responsabilité de qualité de l’air dans ses bâtiments. On doit vérifier qu’il n’y a pas de polluant intérieur. On a récemment adopté une charte contre les perturbateurs endocriniens pour étudier ce qui compose par exemple les bureaux, les armoires et les sols en plastique des écoles. Réduire le bruit est aussi un enjeu, non seulement à proximité des grandes voiries mais aussi en intérieur, par exemple dans les restaurants scolaires où cela occasionne une fatigue supplémentaire au personnel.
En termes de végétalisation, quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
La principale action en cours, c’est la végétalisation des cours d’écoles et des crèches. On vise 70 cours végétalisées d’ici la fin du mandat, soit un budget de 15 millions d’euros avec une cheffe de projet dédié aux services des espaces verts pour piloter ces opérations. Cette politique est aussi portée par la Métropole avec la végétalisation des espaces publics. En matière de transition écologique, on est toujours à la frontière entre les compétences de ces deux collectivités locales, ce qui implique une coordination. Plus largement, on s’intéresse à la biodiversité, un axe porté par Nicolas Husson, adjoint en charge de la Biodiversité, de la nature en ville et de la protection animale.
Des exemples d’actions déjà lancées en faveur de la biodiversité ?
Des plantations d’espaces fleuris pour récréer l’écosystème des insectes, ce qui s’inscrit dans le plan pollinisateur de la Métropole. On reconstruit toute la chaîne trophique car ces fleurs attirent des insectes qui eux-mêmes servent de nourriture aux oiseaux…
Globalement, est-ce que vos électeurs trouvent que vous n’allez assez vite ?
La première année, sans parler de l’impact du Covid-19, a été consacrée à la préparation de cette accélération de la transition écologique. Rédiger tout ce qui relève des marchés publics par exemple, pour confier ensuite des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage à des bureaux d’études qui accompagneront la Ville de Lyon dans ces différents chantiers, exige du temps. Partager la transition écologique entre les différents services de la Ville de Lyon est aussi essentiel.
* voir dossiers mars 2021 et février 2022
** Créée à l’initiative de la Région et basée à Grenoble, la SPL OSER assure des rénovations énergétiques globales de niveau BBC, uniquement pour ses collectivités locales actionnaires et sans mise en concurrence. La Ville de Lyon a rejoint son capital en novembre 2020. Voir notre hors-série Développement durable 2022