Mag2Lyon avait consacré un dossier complet aux communes de la Métropole où des frondeurs de la majorité contestaient le maire en place. Le plus exposé: le divers droite Michel Rantonnet, maire de Francheville, qui a fini par démissionner provoquant une élection municipale partielle les 26 janvier et 2 février 2025. Entretien avec Hélène Duvivier, sa principale opposante. Propos recueillis par Lionel Favrot
Comment Michel Rantonnet a été poussé à la démission ?
Hélène Duvivier: Il y a des tensions dans sa majorité depuis les élections municipales de 2020 mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est son refus de poser en photo avec une jeune fille voilée en novembre 2023 lors de la remise des diplômes du BAC. On était hors du cadre scolaire et elle avait le droit de porter le voile. 17 des 25 élus de sa majorité, dont la majorité de ses adjoints, ont pris leur distance et créé leur propre groupe politique pour réclamer sa démission. En vain.
Pourquoi cela n’est arrivé qu’un an plus tard ?
Parce que ces frondeurs ont finalement voté le budget 2023. Ils auraient pu tous démissionner et provoquer une nouvelle élection municipale mais ils ont capitulé face au maire. Ce qu’ils ont justifié par leur volonté d’appliquer le programme pour lequel ils avaient été élus en 2020. Ils ont précisé que c’était juste la personnalité du maire qui leur posait problème. On pensait que tout était rentré dans l’ordre, mais l’ambiance était quand même très tendue au sein de la majorité pendant tous les conseils municipaux de 2024.
Qui incarne cette fronde ?
Claire Pouzin, qui avait précédemment été identifiée par le maire comme sa successeure. D’ailleurs, on a été surpris de découvrir qu’elle a bénéficié, ces deux dernières années, de l’essentiel du budget formation des élus.
Comment vous l’interprétez ? Un cadeau du maire ?
Je pense que Michel Rantonnet l’avait identifiée comme l’élue la plus capable de lui succéder en 2026. Mais tout s’est accéléré et pas dans le sens où il l’imaginait, c’est- à-dire qu’elle s’est opposée à lui et qu’elle a pris son indépendance. L’élève a dépassé le maître !
Quel dossier a mis en minorité le maire ?
Un échange de deux terrains entre la commune et Eiffage dans le cadre d’un projet de nouvelle école à Francheville. Michel Rantonnet nous a demandé de le voter quasiment sans informations, un peu à l’aveugle. J’ai réuni les trois groupes d’opposition autour de ce constat et on a voté contre. J’ai alors sollicité Béatrice Vessiller, vice-présidente à la Métropole en charge de l’urbanisme, pour qu’elle livre une information complète à l’ensemble du conseil municipal. On avait également programmé une rencontre avec Eiffage dans le but de trouver un projet qui convienne à une majorité au conseil municipal.
Comment a réagi le maire ?
Il a enlevé les délégations à tous ses adjoints le 1er octobre et deux jours plus tard, le jeudi 3 octobre, il a démissionné. Je pense qu’il voulait que ce projet reste le sien. C’est aussi un mouvement d’humeur car les frondeurs avaient annoncé qu’ils allaient convoquer un nouveau conseil municipal pour lui enlever sa signature. Ce qui l’aurait mis dans une posture impossible. Seul Claude Gourrier, l’adjoint en charge de l’urbanisme, donc de ce projet, était encore à ses côtés.
Vous-même, avez-vous été surprise par cette accélération du calendrier électoral ?
On pensait que les frondeurs allaient démissionner en janvier 2024. Ils ne l’ont pas fait, comme si cette situation était parti pour durer jusqu’à la fin du mandat. De notre côté, on était prêts à délibérer en décembre 2024 pour que ce projet de nouvelle école aboutisse dans les délais. Je ne pensais pas que Michel Rantonnet irait finalement jusqu’à saboter le navire. En tout cas, notre groupe politique est prêt pour ces élections municipales.
Quelles seront les forces en présence ?
C’est très difficile à dire car Michel Rantonnet n’a pas dévoilé ses intentions. Claire Pouzin part à la tête des frondeurs. Il y a aussi Olivier Roche, un cadre de Reconquête qui cherche désormais à le masquer pour paraître plus acceptable. Trois élus de l’ancienne majorité de Michel Rantonnet l’ont déjà rejoint: Christian Dothal, Blandine Schmitt, ex-suppléante de Pascal Charmot aux élections législatives, ce qui m’interpelle sur un rapprochement en LR et les zemmouriens dans l’ouest lyonnais, et Pascal Ardilly. Michel Rantonnet va-t-il également rallier cette liste ou attendre 2026 ? Il est déjà passé juste en 2020. Enfin, il y a une autre liste issue de l’opposition menée par Caroline Paris qui se présente comme une macroniste de gauche avec le soutien de Cyrille Isaac-Sibille le député de la circonscription. Aux municipales de 2020, pour le second tour, nous avons fusionné notre liste menée par Bernard Legrand, avec celle de Caroline Paris mais ce rassemblement n’a pas tenu.
Et votre liste, qui la compose cette fois-ci ?
Essentiellement des gens de la société civile avec seulement deux élus encartés, Bernard Legrand de Place Publique et moi-même qui suis chez les écologistes. On s’assume comme une liste de la gauche et des écologistes avec une démarche vraiment transparente et collective. On a reçu le soutien de David Kimelfeld, l’ancien président de la Métropole, et d’Hélène Geoffroy, on aura également celui de Cédric Van Styvandael, respectivement maire PS de Vaulx-en-Velin et de Villeurbanne. Notre méthode de travail est vraiment loin de la conduite solitaire de Michel Rantonnet et des divisions de son ancienne majorité. Si on leur laisse à nouveau les clés, ils vont nous reproduire du Rantonnet. D’ailleurs, ils se placent dans sa continuité. Moi, dans mon expérience de management comme dans mes fonctions de vice-présidente de la Métropole, je sais mener des projets en commun.
Allez-vous bloquer le projet d’école à Bel Air qui l’a fait chuter ?
Non. On a refusé de voter cet échange de terrain faute d’information mais on va au contraire se mobiliser pour le mener à son terme. Par ailleurs, les listes de l’ex-majorité vont nous ressortir le dossier du réseau de chaleur qu’ils veulent bloquer. La Métropole a simplement identifié un terrain pour lancer un appel à manifestation d’intérêt d’entreprises. A les écouter, on va construire de grandes cheminées ! De la caricature. Cyrille Isaac-Sibille avait déjà attaqué les écologistes sur ce dossier lors de l’élection législative de 2024.
Cette élection partielle de 2025 sera-t-elle un galop d’essai pour la municipale de 2026 qui est la fin de mandat officiel ?
En tout cas, Francheville est un enjeu pour LR au-delà de cette commune. La perdre serait un mauvais signe pour les prochains scrutins. Ils misent tout sur Claire Pouzin. Nous, on aura la même stratégie en 2025 et 2026 qu’en 2020 : un programme pour Francheville.
Ne craignez-vous pas une forte abstention pour cette élection municipale partielle ?
C’est un risque. Les gens sont lassés par Emmanuel Macron et l’ambiance politique nationale actuelle. On leur explique qu’il s’agit d’élections municipales qui vont impacter leur quotidien et qu’il n’y aura pas de conseil municipal ingouvernable car la liste en tête de ce type de scrutin, bénéficie d’une prime majoritaire.
Vous partez gagnante ?
Francheville reste une ville modérée et assez centriste, qui a déjà eu un maire PS, René Lambert, face une droite divisée. Francheville peut tout à fait voter pour une maire écologiste à la tête d’une liste de gauche qui ne soit pas extrémiste. J’ai mis en suspens ma carrière professionnelle pour me consacrer entièrement à Francheville. On a une sérieuse chance de gagner !
“TOUT EST PRÊT”…
c’est la seule déclaration consentie par Michel Rantonnet quand Mag2Lyon l’a interrogé sur ses intentions pour cette élection municipale partielle “Tout est prêt dans un sens comme dans l’autre, mais je ne communique pas pour l’instant”, a-t-il répété, sibyllin, quand on a insisté.
Les candidats ont jusqu’au 9 janvier 2025 18h pour déposer leur liste en préfecture
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Lien vers le Mag2Lyon N°166 avec ce dossier sur les « frondeurs »
https://www.mag2lyon.fr/produit/mag2-lyon-de-mai-2024/
Lien vers le Mag2Lyon N°171 où a été publiée cette interview
https://www.mag2lyon.fr/produit/mag2-lyon-2024-2025-4/
Crédit Photos :
Hélène Duvivier : @L.Favrot
Michel Rantonnet : @EricSoudanAlpaca