Les Carmen libres d’Abou Lagraa

Le chorégraphe Abou Lagraa revient avec force du 18 au 21 février à la Maison de la danse qui l’a vu éclore, il y a 25 ans. Il a créé Carmen, ode à la liberté avec treize danseurs du ballet de Tunis. Trajectoire. Par Agnès Benoist

 

“Carmen, c’est une ode à la liberté d’être soi-même !” De cet opéra aux airs célèbres, Abou Lagraa a décidé de faire sa Carmen, la nôtre, et la leur : celle de ses danseurs tunisiens qui vivent là une très belle aventure. Carmen c’est l’icône de la liberté. On est tout(e)s des Carmen, et Abou Lagraa se l’est appropriée. Il en épure l’histoire, abolit les décors et en change même la fin car “je refuse en 2025 que Carmen meure sous les coups d’un homme. Je ne peux pas accepter le féminicide aujourd’hui” assume-t-il.
Treize danseurs du ballet de Tunis, se sont emparés de la danse toute en fluidité et sensualité d’Abou Lagraa. Même si les répétitions ont été intensives. Car la danse de la Baraka n’est pas si simple…Sous ses envolées lyriques, ses accents orientaux, les relevés sont précis et l’engagement total. Abou Lagraa ne cache pas la joie d’être à nouveau quatre soirées sur le plateau de la maison de la danse 25 ans après, Violatus la pièce qui l’a révélé. Carmen sera une ode à la liberté, au corps dansé. Un résumé de sa trajectoire de vie.
Fils d’immigré algérien né à Annonay, Abou Lagraa n’a pas pu, pendant longtemps parler à son père de la carrière qu’il s’était choisi : danseur. A 16 ans, la porte de la danse s’ouvre à lui via un studio de jazz. Dès lors, il fait une carrière de danseur fulgurante, chez Rui Horta d’abord. Très vite, il s’ancre à Lyon, et devient chorégraphe. Violatus présenté en 1997 à la maison de la Danse est un tourbillon d’énergie, une pièce
virevoltante, alternant trio, duo, qui emporte l’adhésion.

La compagnie la Baraka enchaîne les succès, tourne beaucoup, confronte danse contemporaine et hip hop. Nuit Blanche, Allegoria Stanza, ses pièces sont régulièrement programmées à la Maison de la Danse alors dirigée par Guy Darmet. Auréolé d’un prix du meilleur danseur international en 2009 décerné par le Movimiento Dance Prize à Wolsburg il crée des pièces pour de nombreuses compagnies néoclassiques dont le ballet de Lorraine ou Genève. En 2006, l’entrée à la Baraka, par le biais d’une audition, de sa future femme, Nawall Lagraa Aït Benalla est un tournant décisif. Elle est le point de départ d’un retour profond d’Abou Lagraa vers ses origines. Sa danse contemporaine ose enfin puiser dans sa culture orientale. Ils travaillent notamment plusieurs années avec le ballet d’Alger pour lequel ils créent Nya présenté à la Maison de
la danse qui reçoit le prix de la meilleure chorégraphie du syndicat de la critique en 2011.

Autre moment décisif l’implantation en 2018, à Annonay pour un projet novateur, de lieu d’accueil en résidence pour la danse en Ardèche, qu’ils ont voulu “dans l’esprit d’une villa Médicis pour la danse”. Désormais l’Etat, les collectivités prônent la création de lieux alternatifs en zone rurale. Le duo de La Baraka a été pionnier en la matière. A Annonay, c’est une magnifique chapelle désacralisée au plafond peint
magnifiquement rénové qui sert de cadre aux compagnies en résidence. Le duo continue de créer ensemble et alternativement. “Nous tenons le cap, même si, selon les années, ce n’est pas toujours facile mais on nous fait confiance, désormais, et La Baraka et la chapelle font partie du paysage” résume Abou Lagraa. Le projet comporte aussi un volet de transmission auprès de publics scolaires et plus fragiles.

Carmen, c’est donc le retour d’Abou Lagraa à la maison de la Danse, après plusieurs années sans y avoir été programmé. A l’origine, c’est une commande d’Opéra de la directrice du ballet de Tunis. “On a joué deux fois à guichets fermés dans une salle de 1800 places, un énorme succès” raconte Abou Lagraa. L’idée s’est vite imposée d’en faire une version de ballet. Ces dernières années, il avait presque perdu le goût de la chorégraphie, se consacrant à la direction de la chapelle et à la transmission. Peut-être que c’est par ce pont à nouveau ouvert de l’autre côté de la méditerranée, ces liens forts avec des interprètes tunisiens, en partie autodidactes, aux parcours parfois compliqués, qu’il a retrouvé ce désir de chorégraphier. “Ma danse est sensuelle, mais elle est pudique, jamais vulgaire, j’y suis allée doucement, ils m’ont fait confiance ”.

A voir donc à la maison de la danse, avant que Carmen ne parte en tournée… Plus de trente dates sont d’ores et déjà programmées…

Photo : en haut: ©CieLaBaraka ; ci-dessus:AbouLAGRAA ©HaykoNiko

EN KIOSQUE

VERSION NUMERIQUE Journaux.fr COMMANDER

Directement chez vous

+ HORS SERIES

S’ABONNER

VOTRE PUBLICITE

Welcome Back!

Login to your account below

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.

Add New Playlist

Panier0
Il n'y a pas d'articles dans le panier !
Continuer les achats
0