Né à Vénissieux, Idir Boumertit a connu une campagne éclair puisqu’il a dû remplacer au pied levé Taha Bouhafs, écarté par les Insoumis suite à des accusations de violences sexuelles. Très discret dans les médias, ce conseiller en insertion professionnelle a été élu avec une confortable avance : 57 % des voix. Portrait.
La victoire de la NUPES n’est pas étonnante dans cette circonscription de l’Est lyonnais historiquement marquée à gauche. Le communiste André Gerin y a été élu député pendant 19 ans à partir de 1993 avant de céder sa place à Yves Blein, l’ancien maire socialiste de Feyzin. Ce dernier étant passé chez Macron en 2017, il n’a pas été réélu en juin dernier. Mais l’élection n’était pas pour autant gagnée d’avance pour Idir Boumertit qui a obtenu l’investiture seulement un mois avant le premier tour. En effet, il a dû remplacer Taha Bouhafs, dont la candidature a fait polémique. Parachuté depuis l’Isère, le jeune militant était dénoncé pour ses prises de position communautaristes proches des Indigénistes et anti-police. Ce sont finalement des accusations de violences sexuelles (contestées par Taha Bouhafs) qui ont convaincu le parti de Jean-Luc Mélenchon de l’écarter. Idir Boumertit, 4e adjoint à la Ville de Vénissieux a été appelé, alors même que Michèle Picard, la maire communiste, réclamait l’investiture. Mais il s’en défend aujourd’hui: il n’était pas un second choix : “On m’avait proposé d’être candidat avant, mais j’avais refusé en avril pour des raisons personnelles et familiales mais aussi parce que j’estimais avoir encore à faire au niveau local”, explique-t-il aujourd’hui à Mag2Lyon. Face à l’urgence de la situation, ce père de quatre enfants aurait cédé: “À circonstances exceptionnelles, j’ai pris une décision exceptionnelle”.
Cela a-t-il fâché Michèle Picard, la maire de Vénissieux ? “Non”, répond-il immédiatement. “Elle m’a appelé pour me féliciter. De toute façon, LFI avait décidé de présenter un candidat issu de ses rangs. Si j’avais dit non, ç’aurait été quelqu’un d’autre”. Il est un peu moins direct quand on évoque le cas Taha Bouhafs dont il a pris la place : “C’est un jeune issu d’un quartier populaire. Je l’ai accompagné car il ne connaissait pas le territoire. Il aurait pu évoluer et il incarnait la diversité. Il y a eu un certain acharnement contre lui sur la première séquence. Sur la deuxième, je ne peux pas me prononcer car je n’étais au courant de rien. J’ai suivi les décisions de mon parti.”
En tout cas, Idir Boumertit n’a pas été choisi au hasard. Il coche toutes les cases. D’origine algérienne, ce conseiller en insertion professionnelle a grandi aux Minguettes. Il dispose d’une solide implantation locale et d’une expérience politique, notamment grâce à sa délégation à la mairie de Vénissieux, la ville la plus importante de la circonscription (St Fons, Corbas, Feyzin, Solaize et une partie de Saint-Priest). Discret, il a refusé tous les débats, spécifiquement ceux avec l’extrême-droite, ainsi que les interviews avant le premier tour. Ce qui a surpris. Mais depuis son élection, il se montre beaucoup plus “accessible”.
C’est d’ailleurs sans difficulté qu’il est revenu sur son par- cours, interrogé par Mag2Lyon. “J’ai grandi sur le plateau des Minguettes. Mon père était ouvrier à RVI, ma mère était au foyer car j’ai trois frères. J’ai eu une éducation classique, autour des valeurs de respect et de travail. Ma famille est de confession musulmane”, lance-t-il. Après son bac pro, il ne sait pas trop quoi faire mais découvre sa vocation en faisant son service militaire, dans le civil, au sein d’un centre social de Vénissieux. Il intègre une formation d’animateur en éducation populaire puis travaille dans les centres sociaux. Il évoluera plus tard vers d’autres missions, toujours dans le social. Dans le même temps, il obtient un diplôme d’éducateur sportif en taekwondo, un sport qu’il pratique à haut niveau depuis ses 13 ans. “Je ne suis pas un champion du monde mais j’ai fait un peu de compétition…Très vite, je me suis tourné vers l’enseignement car les valeurs des arts martiaux me correspondent: le fair-play, le respect mais aussi la combativité”, résume celui qui est impliqué dans les instances nationales de cette discipline.
C’est en 1998 qu’il s’intéresse à la poli- tique. Car il se rend compte que l’engagement associatif a ses limites. “J’ai voulu comprendre comment fonctionnait la politique locale”, explique Idir Boumertit. En 2001, à seulement 27 ans, il se retrouve conseiller municipal auprès d’André Gerin. Il est réélu en 2008 puis 2014. Il s’implique sur les questions de jeunesse, mais aussi dans les conseils de quartier : “J’ai été précurseur sur la démocratie participative”. Puis il devient conseiller délégué à l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
Mais c’est seulement en 2014, après avoir acquis de l’expérience, qu’il franchit un cap en devenant adjoint au maire, en charge de la Politique de la Ville et du renouvellement urbain. Une belle délégation d’autant qu’il doit gérer la deuxième phase de l’ANRU pour la transformation des Minguettes. Un projet à 500 millions d’euros. En 2015, il devient conseiller à la Métropole de Lyon, dans l’opposition à Gérard Collomb.
Engagé au Parti radical de gauche, il a préféré Jean-Luc Mélenchon en 2008 et a donc rejoint le Parti de gauche puis les Insoumis. C’est dans ce groupe qu’il siège désormais au Palais Bourbon, au sein de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation: “Je vais essayer de me battre sur les moyens alloués à l’école, car l’éducation est la première marche vers l’émancipation, surtout dans nos quartiers”. Peu impressionné par les ors de la République, il compte bien suivre son groupe dans une opposition ferme à LaRem : “Les débats seront âpres mais intéressants”.
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