L’OL peut-il descendre en Ligue 2 ?

La Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) a prononcé la rétrogradation en Ligue 2 de l'Olympique Lyonnais à l'issue de la saison à titre conservatoire. Enseignant chercheur en économie du sport au Centre de droit et d’économie du sport de l’Université de Limoges, Jean-François Brocard explique les raisons et les implications de cette décision. Par Maud Guillot Cette descente en Ligue 2 à titre conservatoire est-elle une menace ou une sanction pour l’OL ? Jean-François Brocard : Il s’agit d’une menace puisque cette décision de la DNCG n’a pas d’impact immédiat pour l’Olympique lyonnais. Le gendarme financier du football français souhaite avant tout s’assurer que les clubs respectent les règles et mettent en place un business model qui leur permet de finir les saisons, donc de pérenniser leur activité. Les clubs sont audités plusieurs fois dans l’année en fonction de leur situation. Ce contrôle permet aussi de garantir l’équité sportive ? Dans une certaine mesure, oui. Mais la DNCG ne décide pas si l’argent de Textor est meilleur que celui d’Aulas ou des Qataris. Cette institution ne porte pas de jugement éthique. Elle se penche sur les comptes. D’ailleurs elle est composée d’experts-comptables et de financiers. Ce type de décision est-il exceptionnel ou fréquent ? Il y a des précédents. Le club de Bordeaux a par exemple été relégué par la DNCG. Bastia est actuellement menacé. Mais ces mesures lourdes sont rares. De plus, elles interviennent au sujet de clubs qui peinent depuis plusieurs mois voire années. Elles apparaissent rarement comme une surprise. Pour l’OL, on peut parler de coup de tonnerre car le propriétaire, John Textor était censé avoir les reins solides. Il a racheté le club il y a peu. Il y avait donc peu de raisons de s’inquiéter concernant sa capacité à faire face aux exigences de la DNCG. Quelles sont les difficultés économiques actées par la DNCG au sujet de l’OL ? La DNCG considère qu’il y a à la fois des difficultés de trésorerie et de gestion de la dette. C’est-à-dire une menace à court et à long terme. Il faudrait trouver rapidement 200 millions d’euros. L’OL serait en clair menacé d’insolvabilité. La DNCG a estimé que les garanties apportées par l'OL étaient trop risquées. Textor était pourtant prévenu de ces attendus mais il n’y a pas répondu. La DNCG n’a pas accepté ses arguments. Vous voulez dire que John Textor n’a pas tenu compte des remarques de la DNCG ? Pour John Textor, le club de l’OL est une entreprise comme une autre. Il prend son risque. Il imagine qu’il va vendre des joueurs, des parts de son club de Crystal Palace, placer son groupe en Bourse… Il parie sur sa capacité à sortir du cash rapidement, et à proposer un bilan plus propre. Ce sont des opportunités, hypothétiques, qu’il revendique. Sauf que la DNCG n’évalue pas les choses de la même façon. Pour elle, c’est du « vent » : elle veut des garanties. En fait, on est face à une différence d’évaluation des risques. Mais est-ce que ce n’est pas, tout simplement, une différence d’approche culturelle entre un businessman américain et un système français plus « administré » ? Tout à fait. Au delà du fait d’être étranger, Textor est issu du monde de la finance. Il ne comprend même pas qu’on intervienne dans ses activités. Mais la DNCG veut quant à elle s’assurer que le système perdure, que les clubs ne soient pas instables… Résultat, il y a une incompréhension forte entre les deux. Les autres clubs de John Textor sont-ils dans la même situation ? Il gère surtout sa holding. Il donne l’impression de pouvoir transférer de l’argent de l’un à l’autre mais l’ensemble de ses clubs est en difficultés : Crystal Palace en Angleterre ou Botafogo au Brésil. Il bénéficie de l’opacité autour de la financiarisation du football, avec des groupes étrangers actionnaires dont on ne comprend pas bien l’architecture et les montages. On est loin du club appartenant à un entrepreneur local. S’il réussit tout ce qu’il a prévu, tant mieux, mais pour l’instant, rien ne nous le dit. Vous considérez donc que les craintes de la DNCG sont fondées… A titre personnel, oui, mais je n’ai pas accédé aux comptes. Ce que je peux dire, c’est que la DNCG s’est rarement trompée. Il n’y a aucune raison qu’elle s’acharne sur un club qui ne le mérite pas. Les membres sont indépendants, non rémunérés et nombreux. Si Textor ne fournit pas les éléments demandés, ce n’est pas bon signe. John Textor a annoncé une diminution de ses pertes cette année : 25 millions contre 48 millions d’euros l’année précédente… Il ouvre un contre-feu en trouvant des éléments positifs à dégager. C’est de la communication. Mais il n’apporte pas de réponse à la trésorerie négative qui se profile. Les indicateurs essentiels sont dans le rouge. A quoi ces difficultés sont-elles attribuées ? La crise du Covid a été la même pour tous… L’OL a pris des risques sportifs et économiques deux étés de suite en achetant des joueurs cher afin d’augmenter la qualité de son effectif. Mais sans grand succès. Tout le projet sportif mis en place par Jean-Michel Aulas, autour de la formation interne, a été remis en cause. L’idée c’est désormais plutôt de revendre. Ils se sont débarrassés de la partie féminine en considérant que c’était un coût, mais aussi de l’Arena qui était un actif intéressant. La masse salariale n’a pas baissé. La billetterie ne tourne pas assez. Mais le stade qui est la propriété de l’OL, devait garantir l’équilibre économique du club… Le stade est une atout indéniable. On ne peut pas prétendre être ambitieux au niveau européen sans contrôler son stade car cela amène des recettes propres qui évitent d’être trop dépendant de l’actionnaire. Mais ça ne suffit pas à compenser une mauvaise gestion sportive et des résultats très moyens. La balance des transferts est par exemple négative. Mais financièrement, ce stade est un actif pour le club ! Bien sûr. C’est d’ailleurs ce qui a permis à Jean-Michel Aulas de vendre le club à un bon prix. Mais pendant la période du Covid, cette infrastructure et ses charges sont au contraire devenues un poids. Aujourd’hui, il faut mettre beaucoup de produits en face pour le rentabiliser. Le nombre de concerts et de grands événements organisés n’est peut-être pas encore suffisant. John Textor a-t-il acheté en connaissance de causes ou a-t-il découvert des difficultés anciennes ? Je ne sais pas. En revanche, ce qu’on peut dire, c’est qu’il a pris à rebours toute la stratégie de Jean-Michel Aulas : plus de foot féminin, plus de formation, plus de rapprochement avec le basket… Il s’est inscrit en rupture. A priori, il a eu tort. Le club réalisait pas mal de bénéfices en vendant des joueurs formés au club. Textor préfère récupérer des Brésiliens de Botafogo. Il enverra les meilleurs de l’OL à Crystal Palace… Il pratique le trading de joueurs. Parmi les arguments de défense : l’OL étant cotée en Bourse, ses comptes, donc ses difficultés, sont publics contrairement à d’autres clubs qui seraient dans le même état… Tous les clubs remettent un plan de trésorerie à la DNCG. Cela n’a rien à voir avec les éléments de transparence imposés par la Bourse. Il s’agit plutôt d’une excuse de la part du club. Quelles sont les solutions qui s’offrent au club désormais ? Il faut trouver 50 millions d’ici fin janvier et 200 d’ici la fin de l’année. C’est colossal. John Textor peut faire jouer les écritures au sein de sa holding, entre les clubs, mais il n’y a aucune source évidente de cash. Il va falloir vendre des joueurs. Quelques-uns ont de la valeur comme Cherki et Fofana. Lacazette pourrait partir en Arabie Saoudite. Mais quand vous arrivez sur le marché des transferts avec un écriteau, « je dois absolument vendre », les acheteurs font baisser les prix ! Il faudrait assurer une qualification en Ligue des Champions pour récupérer de la billetterie, des droits télé… Est-ce que Jean-Michel Aulas était un meilleur gestionnaire puisqu’il parvenait à recapitaliser là où John Textor semble en échec… Peut-être que John Textor ne le souhaite pas. Et le bilan n’est pas le même. Les Américains arrivent avec de la dette. C’est-à-dire qu’ils achètent en empruntant à des fonds, en l’occurrence Ares Management, qui, à juste titre, réclament des intérêts. C’est le principe du LBO. Comme le sport est un secteur risqué, les intérêts sont élevés. Le risque serait de s’endetter davantage pour payer cette dette. Les anciens patrons de clubs ne s’y prenaient pas de cette façon, ils lâchaient de l’actionnariat mais les montants étaient moins importants. Est-ce que d’autres clubs en Europe sont dans la même situation ou est-ce que la DNCG est trop exigeante ? Avec l’Angleterre et l’Allemagne, la France est un des pays le plus sérieux en termes de gestion financière. On fait partie des mieux-disant. D’autres clubs rencontrent des difficultés y compris dans des pays où le business du football est plus développé, comme Everton en Angleterre. Le club est d’ailleurs à vendre. Mais est-ce que des clubs gagnent de l’argent en France ? Non, mais certains s’en fichent d’en perdre comme le PSG puisque les actionnaires renflouent. Aucun club n’est rentable en termes d’exploitation. Les résultats peuvent parfois être positifs quand les ventes de joueurs compensent les déficits structurels. D’où l’importance de réussir les mercatos. Se développe enfin le trading de club. Des groupes achètent des clubs, accumulent des déficits et vendent pour les rembourser et réaliser une petite plus-value. Ils sont souvent présents sur d’autres marchés et se servent du foot comme vitrine. Si ce secteur survit, c’est parce que certains y trouvent un intérêt. Sans parler du soft power appliqué par certains Etats.

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