Pollution et irrigation excessives, réchauffement climatique, aménagements intempestifs… Elisabeth Ayrault, présidente de la CNR, qui intervient sur le Rhône, dresse un état des lieux inquiétant des fleuves sur la planète, afin de provoquer un sursaut pour les sauver. Elle livre aussi de nombreux témoignages sur les conflits d’usages et les solutions qu’on peut apporter. Un grand entretien à lire dans le Mag2Lyon en kiosque.
La CNR gère les barrages sur le Rhône et assure des missions d’aménagement du territoire et de protection de la biodiversité. Elle a aussi développé des parcs photovoltaïques et éoliens.
Pourquoi le Rhône reste-t-il le seul fleuve de France à être géré dans son ensemble par une structure unique, la CNR?
Elisabeth Ayrault : Parce qu’elle doit son existence à deux élus visionnaires, Edouard Herriot, maire de Lyon, et Léon Perrier, député de l’Isère, qui ont eu la conviction, dès le début du XXe siècle, qu’il ne fallait pas morceler ce fleuve. Edouard Herriot a souvent répété que le Rhône était trop important pour le confier à des intérêts divergents. Du coup, ils ont confié le Rhône à une seule entité. Par ailleurs, ils ont prévu un actionnariat à 50 % public et à 50 % privé. C’est une autre manière de signifier que ce fleuve n’appartient à personne en particulier, mais à tout le monde. J’ai beaucoup d’admiration pour ces deux hommes politiques qui ont su voir à long terme et qui ont dû faire preuve de beaucoup de détermination pour aller au bout de leur démarche.
Mais les autres fleuves français n’ont pas de structures équivalentes à la CNR ?
Non. Tout le monde s’accorde à dire que c’est une approche pertinente. Alors pourquoi on ne crée pas d’autres compagnies sur le même principe ? Par exemple pour la Garonne. Ou ailleurs dans le monde. Et pourquoi on continue à dire que le privé et le public ne peuvent pas s’entendre dans l’intérêt général? Cela marche bien avec la CNR. Pourquoi prétendre qu’on ne peut pas concilier les usages d’un fleuve et sa protection ? On a initié beaucoup d’expérimentations concluantes dans les territoires traversés par le Rhône. Malheureusement, la CNR reste une exception.
Vous vous inquiétez des conséquences du réchauffement climatique sur le niveau du Rhône en citant aussi la fonte de son glacier. Quels sont les enjeux ?
Un fleuve c’est la partie apparente d’une multitude de sources qui le constituent. Toutes les études démontrent que le Rhône va perdre 10 à 50% de son niveau d’ici la fin du siècle. Les plus pessimistes affirment même que cela arrivera en 2050 ! Pourquoi ? Parce que le changement climatique est là. Ce sont donc tous les glaciers des Alpes qui vont disparaître. Par exemple celui qui alimente l’Arve, un torrent qui se jette dans le Rhône. Je parle du glacier du Rhône car c’est un symbole. Mais s’il disparaît, le Rhône ne va pas se tarir.
Si c’est surtout l’eau de pluie qui alimente le Rhône, où est le danger ?
Il pleut aussi différemment.Trop à certains moments et pas assez à d’autres. Notre manière de vivre artificialise les sols, à la ville comme à la campagne où les traitements épuisent la terre qui devient étanche. Du coup, l’eau ruisselle au lieu de l’imprégner pour réapprovisionner les nappes phréatiques. Si on veut préserver ce cycle naturel de l’eau, il faudrait retrouver une campagne “éponge”. Enfin, la neige tombe de plus en plus haut. Même si cela varie encore d’une année à l’autre, la tendance est claire. Le stock de neige, qui est un stock d’eau, diminue aussi.
Pourquoi cette baisse du niveau du Rhône n’est-elle pas encore très perceptible ?
Parce qu’on vit aujourd’hui à crédit. Le fait que les glaciers fondent très vite, provoque un apport d’eau exceptionnel. La fonte de la neige, plus rapide et plus tôt dans la saison, a le même effet. Mais on a déjà eu en 2017, un débit moyen inférieur de 30 % à la moyenne de ces vingt dernières années.
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La suite de ce grand entretien est à lire dans Mag2Lyon en kiosque. Disponible à la commande sur ce site
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Elisabeth Ayrault : les leçons du Rhône, Que serons-nous sans les fleuves ? éditions Actes Sud, mars 2021
Entretien illustré par des photos de Camille Moirenc extraites du livre : Le Rhône, texte de Véronique Puech, Actes Sud. Exposition jusqu’au 14 juillet aux Jardins du Luxembourg à Paris