L’expérience démocratique des sociétés coopératives peuvent aider à résoudre les crises que traversent nos sociétés contemporaines. C’est la conviction de Cyril Zorman, président de l’Union régionale des Scop Auvergne Rhône-Alpes, lui-même gérant de Probesys, une entreprise grenobloise de services informatiques spécialisée en solutions libres et open source. Propos recueillis par Par Lionel Favrot
Pourquoi défendre la citoyenneté économique, c’est un pré-requis dans les Scop dont les gérants sont élus !
Cyril Zorman : Parce qu’on entend souvent dire que notre démocratie est malade avec toute une liste de problèmes. Même sentiment pour l’économie et la dénonciation de sa financiarisation. Ce n’est pas en restant immobile qu’on va résoudre la situation. On pense donc pouvoir apporter des éléments utiles à la politique, non pas au sens partisan mais au sens premier de vie de la cité.
Quels enseignements peut-on tirer de l’expérience coopérative ?
Les salariés associés d’une coopérative sont impliqués dans leur entreprise qui, elle-même, cherche à avoir un impact positif sur son territoire. De plus, de nombreuses études ont montré qu’ils étaient actifs à l’extérieur de l’entreprise, dans la ville de leur quartier ou de leur village. La vie en coopérative crée une conscience des conséquences de ces actions.
Vous visez les personnes qui travaillent la journée dans une entreprise polluante et achètent bio le soir ?
Je suis tout à fait d’accord avec la parabole du colibri et des petits gestes. C’est important de faire sa part ! Mais est-ce que l’action des colibris suffit à éteindre l’incendie ? Non ! Pour réussir la transition écologique, il faut une démarche globale et cohérente. On ne s’en sortira pas sans l’implication des entreprises.
On pourrait vous répliquer que c’est déjà compliqué de trouver un travail, alors si en plus on doit sélectionner une entreprise exemplaire…
Sauf que le citoyen et l’entreprise vivent dans un seul et même monde. Si on collabore à une entreprise qui pollue, c’est l’air qu’on respire et l’eau qu’on boit qu’elle dégrade. D’où l’importance de la relocalisation. Quand un fonds de pension détient une entreprise à l’autre bout du monde, ses dirigeants peuvent se sentir moins concernés. Plus personne ne peut croire qu’on peut travailler dans une entreprise sans que cela nous impacte. D’ailleurs, les jeunes générations cherchent des métiers qui ont du sens !
On parle aujourd’hui d’entreprise responsable ou d’entreprise citoyenne ? La citoyenneté économique, c’est différent ?
Il peut y avoir d’autres statuts et d’autres fonctionnements à examiner comme l’entreprise libérée. Mais être associé dans une scop, c’est comme être un citoyen dans une démocratie pour élire le gérant sur le principe un homme-une voix. Cela change tout par rapport à d’autres régimes. C’est beaucoup plus efficace que tous ces indicateurs qu’on exige des entreprises pour vérifier si elle respecte tel ou tel engagement Les tableurs excel ne reflètent pas la réalité du monde.
Vous revendiquez une forme d’authenticité par rapport à une certaine tendance au social washing ou au green washing et à l’inflation des normes ?
Ce qu’on peut revendiquer c’est d’avoir réfléchi à ce concept et de l’avoir mis en pratique. Cela nous donne une certaine légitimité pour échanger sur le fond avec des philosophes, des économistes, des sociologues… On veut aussi ramener le statut coopératif dans le débat public car on a l’impression d’entendre parf ois des experts réinventer la roue. L e grand discours actuellement tourne autour des “ communs” qu’on doit partager. Certaines proposent donc que l’entreprise devienne un bien commun. Cela tombe très bien. Dans une coopérative, les salariés sont propriétaires de leur entreprise.
« On veut aussi ramener le statut coopératif dans le débat public car on a l’impression d’entendre parfois des experts réinventer la roue. Le grand discours actuellement tourne autour des “communs” qu’on doit partager. »
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