Le théâtre d’Oullins accueille un nouveau directeur à partir de janvier, en remplacement de Gérard Lecointe parti à la retraite. Ingénieur de formation, Hugo Frison, 36 ans, souhaite donner une couleur spécifique à cette institution, notamment en proposant systématiquement des musiciens sur scène. Présentation. Par Maud Guillot
Quel a été votre parcours avant cette nomination à la Renaissance?
Hugo Frison: J’ai un parcours un peu particulier par rapport aux autres directeurs de théâtre. Je ne suis pas issu d’une école d’art. Je suis ingénieur en éclairage, acoustique, thermique… J’ai obtenu mon diplôme à l’ENSIP, à Poitiers. Je suis donc plutôt un scientifique. J’ai d’ailleurs commencé ma carrière dans l’acoustique environnementale : je mesurais les niveaux sonores des champs d’éoliennes pour les riverains. J’ai aussi travaillé à l’étranger.
Pas grand-chose à voir avec le spectacle vivant…
Oui, sauf que je suis un passionné de musique et qu’à Saint-Étienne, ville dont je suis originaire, j’ai toujours évolué dans des associations culturelles. J’ai joué de la basse en amateur. Mon objectif professionnel était de faire des acoustiques de salles de spectacles. Mais je me suis rendu compte que les relations avec les artistes étaient assez faibles. On était plus en lien avec les architectes. Donc j’ai décidé de compléter ma formation en suivant des cours d’arts du spectacle à la fac à Bron, puis en intégrant l’ENSATT à Lyon, où j’ai obtenu un Mas- ter spécialisé de Directeur technique.
Quels postes avez-vous occupés ensuite?
J’ai travaillé près de 5 ans à la régie générale des Subsistances auprès de de Cathy Bouvard et Guy Walter. J’ai donc appris à accueillir des artistes. Mais comme j’avais aussi envie de comprendre comment fonctionnent les tournées, je me suis rapproché de compagnies. J’ai travaillé avec Karim Bel Kacem, François Chaignaud, ou Camille Boitel… J’ai occupé pas mal de postes, tech- niques, administratifs ou en production. Quand je suis devenu père, j’ai postulé à Die, pour diriger le théâtre Les Aires, scène conventionnée Art en territoire. J’y suis resté 5 ans. J’ai développé mon projet, avec des composi- teurs associés, des concerts debout… Ce théâtre est deux fois moins important que la Renaissance et plus généraliste mais il est ancré dans son territoire, et soucieux de travailler en multipartenariats. Ce que j’apprécie.
Pourquoi avoir postulé à la Renaissance?
J’avais un peu fait le tour et la Renaissance m’intéressait vraiment, notamment sa dominante musique. De plus, il y a trois espaces: la grande salle de 390 places, la petite de 130 et le bac à traille, espace de répétition ou de représentation d’environ 150 m2. Ce qui permet de pro- poser des spectacles et des intimités différentes.
Allez-vous vous inscrire dans la continuité de Gérard Lecointe?
Oui, car on était ensemble dans le Groupe des 20, qui rassemble les scènes publiques sur le territoire Auvergne Rhône-Alpes. On défend les mêmes choses artistique- ment. Mais je souhaite ouvrir un peu la programmation. J’ai envie de mettre en valeur l’écriture musicale et l’intégrer dans des projets transdisciplinaires.
Comment cela peut-il se matérialiser ?
Concrètement, ce que je souhaite, c’est qu’il y ait à chaque fois des chanteurs, des musiciens, des bruiteurs… en live, donc une création sonore qui entre en dialogue avec le reste de l’écriture, que ce soit de la danse, du cirque, du théâtre d’objets… On va aussi proposer des spectacles hors les murs, en extérieur. On va d’ailleurs collaborer avec les Ateliers Frappaz, de Nadège Prugnard (Lire portrait dans Mag2 Lyon de février), qui a cette appétence-là. Enfin, on aura comme artiste associée la violoncelliste Noemi Boutin, justement parce qu’elle a déjà travaillé sur du cirque, avec Jörg Müller, du théâtre, avec Bachelard Quartet, et même de la cuisine, avec le chef de la Rose des vents…
Quand allez-vous présenter votre première saison complète ?
Gérard avait déjà avancé sur la prochaine saison, notamment avec des spectacles jeune public. Je conserve ces engagements. Ma ligne artistique, axée sur la musique live au plateau, ne sera donc pas clairement visible dès 2024-2025. Ce sera plutôt l’année suivante.
Mais cette composante musique est déjà bien présente dans l’agglomération lyonnaise…
Bien sûr, il y a des Scènes de Musique actuelle, l’Auditorium, l’Opéra. L’enjeu est donc d’être complémentaires et de travailler ensemble. Je connais bien les di- rections des différentes institutions. On va continuer nos collaborations. Aujourd’hui, 25 % des spectateurs de la Renaissance viennent d’Oullins et presque 35 % de Lyon, le reste c’est l’agglomération. Il est donc important qu’on renforce notre spécificité et notre identité. Qu’on donne une couleur différente.
Le sud de Lyon se développe notamment avec le Métro. Comment cela impacte-t-il votre projet ?
C’est stimulant. Le fait qu’il y ait, pas loin, Médiatone, le Ninkasi, les Nuits Sonores, la Biennale de la Danse…, cela crée une dynamique dans laquelle on a envie d’être. La fusion des deux villes va aussi changer la donne, avec une nouvelle politique culturelle. Tout va s’écrire dans les années qui viennent. On va évidemment renforcer notre collaboration avec les théâtres d’Irigny, de St Genis-Laval et même Givors…
Votre profil plus technique que créatif vous est-il parfois reproché ?
Pas du tout, je pense que j’ai des propositions artistiques à défendre et je me sens légitime pour le faire. Par ailleurs, je sais comment accueillir les artistes dans de bonnes conditions. Le dialogue est même facilité. Gérard Lecointe était musicien, mais je m’associe justement avec Noemi Boutin pour avoir une approche complémentaire à la mienne. Ma candidature a été retenue parmi une quarantaine donc j’imagine que cette double compétence a été reconnue.
