Urbanisme transitoire : Le phénomène

Emeline Baume

100000 m2 sont actuellement occupés par des activités temporaires. Ces tiers-lieux ont des vocations diverses. Economique, culturelle, festive… Emeline Baume, 1ère vice-présidente de la Métropole, dresse un état des lieux et répond à une question clé: pour quels impacts? Propos recueillis par Lionel Favrot

Comment définir simplement l’urbanisme transitoire ?
Emeline Baume: La Métropole achète régulièrement des bâtiments qu’elle destine à un autre usage ou à la des- truction, s’il y a un projet urbain dans le futur. Par le passé, les collectivités locales les laissaient vides, tout en payant une surveillance pour protéger ces friches d’occupations inappropriées ou de dégradations. Depuis quelques années, la Métropole préfère les mettre à disposition d’activités qui auraient du mal à s’installer ailleurs. Ce qui nous semble pertinent car c’est un principe de bonne gestion. Plutôt que de gardienner un site vide, on utilise de l’argent public à refaire vivre un lieu, donc un quartier.

Combien de sites sont concernés dans la Métropole de Lyon?
40 sites soit un total de 100 000 m2 avec un investissement de 10 millions d’euros de travaux prévus pendant ce man- dat. Ce qu’il faut préciser, c’est que la Métropole installe une gouvernance participative quand elle ouvre un tiers-lieu. Ce qui permet de gérer le site et de réfléchir à son avenir de manière collective. D’ailleurs, une opération d’ur- banisme transitoire ne peut pas réussir sans une structure animatrice du lieu comme Ma Friche Urbaine, Intermède ou Plateau Urbain par exemple.

A quoi ces lieux peuvent servir ?
On recense six usages dans la Métropole. L’hospitalité avec les Amazones dans le 9e arrondissement ou la Maison des 4 vents à Saint-Germain-au-Mont-d’Or pour loger des femmes seules avec enfants, l’économie avec le Grand Plateau à Villeurbanne où on accompagne la relance de la filière vélo française et les Ateliers Briand à Saint-Priest pour des activités très variées, la culture avec les Grandes Locos à la Mulatière, l’animation du quartier… Il faut ajou- ter qu’on s’occupe également du foncier avec des prairies fleuries pour refaire venir de la biodiversité en ville.

 


Les Grandes Locos par exemple, quel est son avenir ?
A terme, l’objectif de la Métropole est de créer un véritable nouveau quartier sur ce site. C’est à la fois un site très accessible grâce au métro et potentiellement inondable. Les réflexions sont en cours. “Tout est ouvert”, a précisé le président de la Métropole de Bruno Ber- nard. Aujourd’hui, cet ancien technicentre de la SNCF offre une fonction festive indis- pensable dans une grande métropole. Ce site a déjà reçu les Nuits Sonores et le Lyon street food festival. Il va aussi accueillir les biennales d’art et de danse. Une ressourcerie du bâtiment et de la culture s’est également installée sur place pour faciliter le réemploi dans ces secteurs d’activité. Et il y a d’autres projets en perspective.

Ces grands évènements n’avaient pas d’autres points de chute?
Certains de ces grands évènements pouvaient se tenir à l’ancienne usine Fagor-Brandt mais ce site n’est plus disponible car il a fait l’objet d’une opération d’urbanisme avec des immeubles, notamment du logement social, des bureaux et il y aura un centre de maintenance des tramways d’ici 2028.

D’autres usages pour ces anciennes friches?
Oui. On a aussi créé 191 places d’hébergements d’urgence alors que les structures disponibles sont saturées. Ce qui nous permet d’accélérer la politique d’hospitalité développée par Renaud Payre, vice-président à l’habitat, au loge- ment social et à la politique de la ville. Je pense par exemple aux Tiny Houses présentes dans plusieurs sites. Il faut également citer la relance de la filière vélo au Grand Plateau à Villeurbanne, ce qui relève de la ré-industrialisation.

Ce Grand Plateau s’inscrit désormais dans un site élargi, l’Etape 22 D. L’intérêt de ces lieux multi-fonctions ?
Cela suscite des interactions et des projets entre acteurs du site. La filière vélo a par exemple créé une centrale d’achats. A l’Etape 22 D, il y a également un pôle d’économie circulaire qui a donc pu s’installer au Carré de Soie, plutôt que d’aller loin dans une zone industrielle, avec la plateforme de sur-tri Iloë. Il y a également d’autres acteurs de l’économie sociale et solidaire comme le collectif textile Cent façons pour une mode durable. Une nouvelle voirie était en réflexion sur ce site avant cette opération d’urbanisme transitoire. Ce tiers-lieu a démontré que des activités productives étaient possibles.

Cette politique d’urbanisme transitoire a un vrai impact économique ?
344 emplois ont été créés dans ces 40 lieux par des structures qui n’auraient pas pu s’installer ailleurs. En tout cas pas sur le territoire de la Métropole du fait des prix de l’immobilier. Pour des raisons de prix, beaucoup de petites entreprises et d’artisans ayant besoin d’ateliers, donc de surfaces et pas seulement d’un bureau, vont s’installer loin en périphérie. Nous, on souhaite qu’ils retrouvent leurs places en ville pour éviter d’avoir uniquement des logements ou des bureaux.

Mais cela reste difficile de réellement mesurer le retour sur investissement de votre politique d’urbanisme transitoire ?
C’est complexe car il faudrait le réaliser opération par opération en tenant compte des différents objectifs et des impacts. Ce qu’il faut rappeler c’est que la Métropole a des compétences politiques obligatoires, qu’elle doit assumer. Exemple des lieux festifs et des centres d’hébergements. Les aménager différemment n’aurait pas forcément couté moins cher, voire bien davantage s’il avait fallu construire. On n’aurait peut-être pas pu assumer ces politiques publiques sans l’urbanisme transitoire ou incomplètement. D’un autre côté, on peut prendre des initiatives. Selon les sites, il y a donc des retombées économiques ou sociales.

Pour certains sites, vous parlez de préfiguration d’activités. Pourquoi ?
Parce que cela peut permettre de tester des activités qui répondent aux besoins du quartier. Les porteurs de projets peuvent tester une nouvelle offre. Ils n’auraient pas pu se lancer sans ces loyers accessibles. A Villeurbanne, des entreprises de la filière vélo qui ont grandi, vont quitter le Grand Plateau et s’installer dans d’autres locaux à proxi- mité. Ensemble. Donc cette préfiguration d’usage économiquement rentable fonctionne.

Des acteurs privés ouvrent aussi des tiers-lieux….
Oui, je pense à 6e Sens place Bellecour, de 2021 à 2023, ou les Halles Debourg dans le 7e, également terminées. Sans oublier la Cité des Halles avec Bouygues dans le 7e arrondissement. D’ailleurs, le message qu’on fait passer au privé dans ces opérations d’urbanisme transitoire de la Métro- pole, c’est justement qu’on peut prévoir des sites non pas mono-fonction, type logements ou bureaux ou activités, mais des sites multifonctions.

Pourquoi ne pas revendre ces terrains a des promoteurs privés à l’issue de la période pour rentrer dans vos frais?
Parce que la Métropole veut maîtriser ces terrains pour appliquer la stratégie de zéro artificialisation nette (ZAN). Opération par opération, on étudiera ce qui est plus efficace en termes d’usage de l’argent public pour assumer nos compétences et créer des emplois. Différentes hypothèses sont possibles, y compris la création de zone d’aménagement concerté (ZAC) pour les sites aux fonctions multiples.

EN KIOSQUE

VERSION NUMERIQUE Journaux.fr COMMANDER

Directement chez vous

+ HORS SERIES

S’ABONNER

VOTRE PUBLICITE

Welcome Back!

Login to your account below

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.

Add New Playlist

Panier0
Il n'y a pas d'articles dans le panier !
Continuer les achats
0